Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi, n’est pas digne de moi

Aujourd’hui dans l’évangile proposé à notre méditation, Jésus nous surprend à travers une déclaration bien déconcertante : « Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi, n’est pas digne de moi ; celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi ». Cela suppose-t-il que l’affection familiale entre en conflit avec la fidélité que nous devons à Dieu ? Aimer sa famille devient-il un obstacle à notre communion avec Lui ? Certainement pas !

Le message d’amour est l’épine dorsale de l’enseignement du Christ qui à maintes reprises a insisté sur le lien indissoluble entre l’amour de Dieu et celui du prochain, à plus forte raison l’affection pour sa propre famille.

Ces propos de Jésus font en effet écho à cet appel lancé par Dieu lui-même au peuple d’Israël dans le Deutéronome : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur… » (Dt6,4). Il est question ici d’une option préférentielle, Jésus ne dit pas que celui qui aime son père ou sa mère n’est pas digne de lui, mais plutôt celui qui les aime plus que lui est indigne de lui.

Préférer le Christ ne veut donc pas dire que nous ne devons pas aimer nos proches. Ce qu’il attend de nous, c’est que nous lui donnions la première place. Quand le Christ a la priorité dans notre vie, il devient notre modèle. Nous aussi, nous pouvons aimer les autres de plus en plus à la manière de Jésus. Quand des jeunes fiancés décident de s’unir pour la vie, cela ne veut pas dire qu’ils renient leurs familles, leurs parents, leurs amis. C’est la même chose dans notre relation au Christ : le préférer c’est devenir capable d’aimer les autres en vérité. Lui-même nous recommande d’aimer Dieu de tout notre cœur et d’aimer notre prochain comme-nous-mêmes. L’amour de Dieu va de pair avec l’amour du prochain. « Si quelqu’un dit j’aime Dieu et qu’il déteste son frère, celui-là est un menteur » (1Jn4, 20).

Quand saint Matthieu écrivait cet Évangile, il s’adressait à des croyants qui devaient faire un choix difficile dans leur démarche de conversion. Bien sûr, ils étaient heureux d’adhérer au Christ ; mais en même temps, ils étaient incompris et rejetés par les membres de leurs familles, parfois même persécutés. Mais, malgré ces menaces, beaucoup ont choisi de rester fidèles à leur attachement au Christ. Ayant donc fait l’option préférentielle du Christ, ils ont par amour pour lui accepté de prendre leurs croix pour le suivre. « Si quelqu’un m’aime, dit Jésus, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive ».

Cette communauté primitive était composée de disciples itinérants et de sédentaires invités à accueillir les autres. L’accueil, une valeur essentielle dans notre religion judéo-chrétienne: nous avons sûrement pu nous en rendre compte en écoutant la première lecture de ce dimanche, extraite du deuxième livre des Rois qui nous parle du prophète Élisée généreusement accueilli par la Sunamite. Cette femme se montre généreuse car elle a reconnu en lui un homme de Dieu. Mais elle porte en elle une souffrance dont elle ne parle pas : elle n’a pas de fils et son mari est âgé. Avec beaucoup de délicatesse, Elisée lui promet ce fils qu’elle n’escomptait plus, la joie de la conception : « A cette même époque, au temps fixé pour la naissance, tu tiendras un fils dans tes bras ». Quelle joie pour elle, son désir le plus ardent enfin exaucé, grâce à son hospitalité, sa générosité.

En écoutant ce texte de la Parole de Dieu, nous comprenons qu’accueillir l’autre c’est écouter ses confidences, partager ses joies et ses peines. Nous chrétiens, avec ces beaux témoignages issus des Saintes Ecritures, nous sommes plus que convaincus qu’à travers ces personnes que nous rencontrons, le pauvre qui nous tend la main, c’est Dieu qui est là, c’est lui que nous accueillons ou que nous refusons d’accueillir. Ne l’oublions pas : c’est bien à nos qualités d’amour et d’accueil que nous serons reconnus comme de vrais disciples du Christ, c’est-à-dire en vivant une foi qui se manifeste concrètement à travers des œuvres de charité, de générosité, de solidarité envers le frère, la sœur en situation de précarité.

Ne fermons pas notre cœur à toutes ces misères autour de nous, osons des gestes de solidarité, surtout en cette période de crise due au coronavirus ; la simple attention, le petit sourire, le simple verre d’eau fraîche, de quoi soulager le prochain en situation tout cela nous dit Jésus sera récompensé.

Au sujet toujours de l’accueil, St Paul dans sa lettre aux Romains dans la seconde lecture nous parle du jour sûrement le plus important de notre vie, celui où nous avons été accueillis dans la grande famille des chrétiens. Nous l’avons compris, c’est du baptême qu’il s’agit. Au jour de notre baptême, nous avons été immergés dans cet océan d’amour qui est en Dieu, Père Fils et Saint Esprit. Désormais nous choisissons d’accueillir le Christ et de le mettre au cœur de notre vie, comme réponse à son amour immérité.

Notre accueil du Christ et notre attachement à lui nous poussent à l’engagement missionnaire. Jésus qui nous appelle tous à marcher à sa suite n’est pas un maître parmi d’autres. Il est le Fils de Dieu qui est “venu chercher et sauver ceux qui étaient perdus”. Nous sommes donc envoyés pour témoigner par notre vie et nos paroles de Celui qui nous habite. Nous contribuons à bâtir ce monde nouveau que Jésus appelle le Royaume de Dieu ; dans ce Royaume, l’écoute de l’autre, l’entraide, la solidarité, le soutien aux autres, la visite aux malades sont prioritaires. C’est Jésus lui-même qui nous le dit : “Tout ce que vous avez fait au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous l’avez fait” (Mt 25, 40).

Nous, disciples du Christ, nous sommes donc envoyés. Mais nous ne devons pas oublier que nous ne sommes pas notre propre source : nous ne parlons pas, nous n’agissons pas en notre nom. Il n’y a donc pas à s’enorgueillir de l’accueil qui est fait à notre témoignage. En effet, c’est Dieu qui agit dans le cœur de ceux et celles qu’il met sur notre route. Nous devons donc rester très humbles car sans Jésus, rien n’aurait été possible. Le rôle de l’Église, notre rôle à tous, c’est précisément d’accueillir tous ceux et celles qui se sentent attirés par lui. C’est à ces qualités d’accueil que nous serons reconnus comme disciples du Christ.

Chaque dimanche, en nous réunissant pour célébrer l’Eucharistie, c’est Dieu lui même qui nous accueille en sa maison et nous invite à son festin. Et à la fin de chaque messe, il nous envoie pour témoigner dans le monde de cet amour gratuit toujours offert. Chers amis paroissiens, les occasions ne manquent pas où nous pouvons rendre les autres plus heureux. Ne les manquons pas. À travers eux, c’est le Seigneur qui frappe à notre porte.

Qu’il nous donne à tous, d’être ses fidèles témoins partout.

Amen.

Père Aubin Amegnikou

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