Être consacré : Être signe vivant de l’union avec Dieu et de l’unité du genre humain

Homélie du 7 février 2021, 5ème dimanche du temps ordinaire : Mgr Dubost

Frères et sœurs, je pense que mardi dernier, vous avez tous noté que c’était la Chandeleur, la fête des crêpes. Mais pour nous chrétiens, la Chandeleur, c’est la fête de la purification de Marie, et surtout la fête de la présentation de Jésus au temple, de la consécration de Jésus à son Père. Et d’une certaine manière, et même d’une manière certaine, tous les chrétiens dans cette consécration sont entraînés puisque le baptême nous assimile au corps même du Christ. C’est pour cela que c’est ce jour de la présentation de Jésus au Temple que l’Eglise a choisi pour célébrer, pour parler, pour remercier ceux qui se sont consacrés au Seigneur – on l’est tous dans le baptême- mais particulièrement ceux qui ont voulu donner une certaine coloration à cette consécration. On les appelle les consacrés : on parle alors des religieux, des religieuses, (les Assomptionnistes, les sœurs de l’Assomption, les consacrés de Regnum Christi), des membres des instituts séculiers, des sociétés de vie apostolique, des veuves et vierges consacrées, des ermites, de certaines personnes appartenant aux communautés nouvelles. Ils sont pratiquement tous célibataires, et vivent pour la plupart en communautés. Ils ont tous voulu se consacrer  totalement au Seigneur. Dans Lumen Gentium le texte de Vatican II qui réfléchit à l’Eglise, il  est affirmé que tous les baptisés sont appelés à la sainteté. Et juste après le paragraphe, où il parle de la vocation universelle à la sainteté, le Concile parle des consacrés, des religieux et des religieuses comme pour dire qu’ils sont les signes vivants de ce à quoi, comme baptisés, nous sommes appelés.

On pourrait dire beaucoup de choses sur les consacrés, je vais simplement en évoquer certaines en prenant les textes du jour.

Le premier, c’est Job. Vous l’avez entendu, Job vit dans le malheur, toutes les catastrophes lui sont arrivées, on peut même penser qu’il envisage qu’il pourrait voir d’autres catastrophes survenir. Il pourrait se demander à quoi cela sert de vivre. Des amis viennent le voir, et ces amis lui expliquent les causes du mal :

 Job souffre car, en fait, Dieu lui fait payer ses mauvaises actions.

Or Job est un juste ! En lisant cela, j’ai repensé à un épisode que les plus vieux d’entre nous ont en mémoire : l’affaire des moines de Tibhirine. C’étaient des consacrés qui sont partis en Algérie, près de Médéa, au sud d’Alger pour y consacrer leur vie à la prière et au soin des autres. Ils ont fondé en 1937 leur abbaye, Notre Dame de l’Atlas, en provenance d’Aiguebelle et Notre Dame des neiges. Puis voilà que la situation en Algérie est devenue catastrophique. Les islamistes veulent prendre le pouvoir. En 1993, le GIA demande aux étrangers de quitter le pays. Le jour de Noël, un certain Djamel Zitouni du GIA vient voir les moines pour leur demander de partir. Les moines hésitent, pourtant pas très loin de chez eux, on vient d’assassiner des travailleurs croates et puis plus tard, Paul Hélène, une sœur de l’Assomption. Les moines s’interrogent et toute la chrétienté, en tout cas en France, y va de sa réflexion ; les uns sont contre le gouvernement algérien, les autres contre les islamistes car ils sont musulmans, d’autres se demandent pourquoi les moines veulent absolument rester. Dans les drames il y a toujours des gens qui parlent et disent ce qu’il faut faire. Les moines, eux, veulent discerner devant Dieu. En mars 1995 ils décident de rester, dans leurs échanges entre eux, ils décident « de faire signe », de faire signe de ce qu’est l’Eglise au plus profond, de ce que tous les baptisés devraient comprendre quand ils se disent d’Eglise : l’Eglise est un signe de l’union avec Dieu et de l’unité du genre humain. Ils restent là, pour être ce signe de l’union avec Dieu et de l’unité du genre humain. Alors que le peuple algérien souffre, alors qu’ils peuvent partir, alors qu’on les supplie de partir, ils veulent montrer leur unité avec ce peuple.

Être consacré au Seigneur, et c’est saint Paul qui nous le suggère, c’est proposer l’Evangile ! « malheur à moi, si je n’annonce pas l’évangile »,  et proposer l’évangile ce n’est pas forcément dire des mots, c’est être un signe vivant de l’union avec Dieu et de l’unité du genre humain. Les moines sont restés, sachant qu’ils risquaient très probablement la mort ; ils voulaient être un signe pour l’humanité, bien plus encore pour les chrétiens. Ils ont été enlevés et assassinés en mars 1996.

Arrivons à l’évangile ; l’évangile du jour commence avec la guérison de la belle-mère de Pierre. Il me semble que tous les baptisés (et donc tous les consacrés) savent qu’ils ont été malades -Il y a la maladie physique, mais il y a surtout le péché- Ils savent que Jésus est venu et leur a dit : « Lève-toi, ressuscite ! Le péché ne t’enferme pas ; sois libre ! ». Et quand ils ont découvert cet amour de Dieu, qui aime la vie, qui aime notre vie, ils se mettent au service des autres. Et pour beaucoup cela suffit, c’est déjà pas mal. Mais pour Jésus cela ne suffit pas, voilà que, alors qu’à Capharnaüm Il était bien, presqu’en famille, Il quitte Capharnaüm d’abord pour prier, et puis ensuite pour aller annoncer l’évangile ailleurs et on sait qu’au bout du chemin il y aura sa mort, son don de soi.

Cela nous dit encore quelque chose sur la vocation de tout consacré, sur notre vocation propre :  nous sommes appelés à nous offrir totalement, quel que soit le danger, quelle que soit la difficulté, quel que soit le mal dans lequel on vit. Les consacrés à la suite de Jésus quittent « chez eux », quelquefois en restant sur place, (on peut aller très loin tout en restant sur place), ils quittent la manière de vivre habituelle du monde pour être des signes vivants.

Si nous célébrons aujourd’hui les consacrés, ce n’est pas simplement pour les remercier, c’est pour nous poser la question de notre propre vocation de chrétien dans le monde actuel. Je sais que l’on dit beaucoup de choses sur la situation, sur le malheur du temps ; les consacrés nous disent que cela ne sert à rien de parler ou de faire toutes sortes d’analyses.

Les consacrés nous disent que ce qui est important c’est de suivre le Christ et d’être un signe vivant de l’union de Dieu et de l’unité du genre humain.

Amen.

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