Frères et sœurs, avec cette fête de la Croix Glorieuse nous sommes au cœur de la foi chrétienne. Ce mystère de la Croix qui marque toute notre vie chrétienne : nous sommes devant le paradoxe le plus étonnant, le plus fort de notre vie chrétienne.
Ce que saint Paul dira être “une folie pour les païens, un scandale pour les juifs.” Sa Croix et sa Croix Glorieuse.
Oui l’instrument de l’abomination, l’instrument de la mort, de la haine, l’instrument sur lequel est cloué l’innocent devient l’instrument qui manifeste la gloire et l’amour de Dieu, l’instrument signe de la vie.
Ainsi nous sommes devant cette révélation inouïe, qu’il n’y a jamais pour nous de vendredi sans dimanche. Et le vendredi douloureux conduit au chemin de la gloire lumineuse du dimanche , du dimanche de Pâques bien-sûr. Et les deux sont désormais inséparables.
Jamais de vendredi sans dimanche, jamais de dimanche sans vendredi .
Alors , en nous laissant éclairer par ce mystère de la Croix Glorieuse, retenons deux lois au cœur de notre foi chrétienne qui viennent illuminer notre chemin. Deux lois fondamentales.
Première Loi en regardant la Croix glorieuse :
c’est la loi de l’inversion qui est ainsi manifestée.
Le terme même de Croix Glorieuse, qui pourrait-on dire est un oxymore -deux termes opposés- manifeste cela.
Dieu fait de la blessure, une source,
du péché, une grâce,
de la mort, une vie.
Ce mystère de la Croix vient inverser ce que l’homme subit par le péché, par la mort, par la souffrance. Par le mystère de la Croix, par le mystère de ce Dieu qui vient porter cela sur lui, il vient sauver l’humanité. Il y a un retournement complet, possible, réel et définitif.
Ce mystère est grand, il nous dit que Dieu ne supprime pas la souffrance, que Dieu ne supprime pas la mort. Il a voulu passer par là. Mais de souffrance, de cette mort, Il fait une source de vie.
Cela pour nous est immense, et n’est pas sans conséquences pour notre vie quotidienne.
En notre existence de chrétien, ce signe de la croix nous en marquons notre corps à chaque instant. Au début de la messe, et jusqu’à la fin de la messe. Cela n’est pas sans conséquences importantes.
Toutes nos blessures, toutes nos souffrances, nos maladies et ultimement la mort :
-si elles sont vécues avec Dieu, avec le Christ, en accueillant le mystère du Christ,
– si elles sont un lieu où nous pouvons rencontrer Dieu
peuvent être le lieu, pour nous, de la gloire, de la paix profonde, de la vie, de la victoire sur la mort.
En visitant des malades, j’ai rencontré aussi dans les hôpitaux, des personnes souffrantes, proches de la mort, mais envahies d’une grande paix, parce qu’ayant reçu peut-être le sacrement des malades, ou vivant une foi profonde, elles vivent ce chemin comme un chemin non sans souffrances, où elles se laissent éclairer, abreuver par ce que le Christ vient nous apporter.
Ainsi ce mystère de la Croix nous invite au quotidien, à regarder ce que nous avons à vivre comme épreuves, comme souffrances, avec les yeux de la foi, avec les yeux du cœur.
Non pas en supprimant la souffrance, nous n’aimons pas la croix, nous ne sommes pas des personnes qui recherchent la souffrance, mais le chrétien est quelqu’un qui, avec ce mystère de la Croix au coeur de sa vie, va pouvoir vivre en lui cet inversement, ce retournement profond en lui de cette épreuve, de cette souffrance comme un lieu de rencontre avec celui qui est la vie , la paix.
Nous n’aimons pas la croix, nous aimons Jésus sur la Croix, Nous regardons, nous adorons, nous vénérons Jésus sur la Croix, et c’est lui qui vient opérer ce retournement, cette inversion.
Oui, frères et sœurs, le Christ n’est pas venu supprimer la souffrance, vous connaissez peut-être cette parole de Claudel, magnifique : “ Le Christ n’est pas venu supprimer la souffrance, il n’est pas venu l’expliquer, mais il est venu l’emplir de sa présence, et cela change tout.” Et l’on pourrait ajouter l’inverser dans le sens de la vie.
Alors, frères et sœurs, accueillons cette première loi en gardant au cœur cette espérance très forte de cette victoire du Christ qui opère si nous lui offrons ce que nous sommes, si nous lui offrons nos difficultés, nos peines, nos souffrances et nos épreuves, nos croix.
Deuxième loi spirituelle qui jaillit de ce mystère de la Croix Glorieuse :
l’amour vaut ce qu’il nous coûte. Il n’y a, en effet, pas d’amour sans Croix.
Dans notre chemin de vie, il n’y a pas de vie, il n’y a pas d’amour sans croix, sans souffrance. Nous passons ainsi dans notre chemin sur la terre, en essayant d’aimer toujours mieux par ce chemin qu’il a connu lui-même. Il donne sa vie par amour, il vit ce dessein bienveillant, comme dit saint Paul jusqu’au bout, ce dessein d’amour par la souffrance. Là où est passé le maître, nous passons aussi. Nous ne pouvons pas aimer sans connaître la souffrance.
Toutes nos vocations, tous les états de vie que nous représentons ici , vous qui êtes mariés, vous qui êtes célibataires, nous les prêtres qui sommes faits pour l’amour, nous savons que l’amour -cela pourrait être une très belle définition de ce qu’est aimer- l’amour c’est toujours se quitter pour se donner.
L’amour, c’est se quitter pour se donner. Le Christ accomplit cela, mais se quitter c’est une souffrance. C’est un détournement de soi-même, c’est le contraire de l’égoïsme, de l’enfermement, et cela passe par un sacrifice, passe par des renoncements, passe par un moment où nous sommes obligés d’arracher de notre cœur ce qui nous replie sur nous-mêmes.
Les parents connaissent bien cela avec leurs enfants qu’ils aiment, mais il y a des moments de souffrance dans ce chemin d’éducation. Les époux connaissent cela. Les prêtres connaissent cela avec leur communauté. Pour aimer mieux, il y a ce moment de renoncement pour avancer plus.
Oui, frères et sœurs, ce mystère de la Croix Glorieuse nous invite ainsi à accueillir ce renversement qui est une espérance fondamentale. Il n’y a pas de fatalité dans la vie chrétienne. Dieu ne laisse pas le mal aller à sa guise. Dieu vient au cœur de la souffrance humaine la rechercher pour la retourner en source de vie. Aussi avec cette reconnaissance que ce chemin passe forcément par le renoncement, le sacrifice, la souffrance.
Demandons que le signe de la croix que nous accomplissons sur nous-mêmes réunisse à la fois les deux aspects de ce mystère et que chaque jour, nous ne le fassions pas à la va-vite. Le signe de croix est la plus courte et la plus belle des prières que nous pouvons faire avec foi et dans laquelle s’enracine toute notre espérance.
Oui c’est une chance, une grâce de pouvoir commencer cette année en méditant sur ce mystère de la Croix, la Croix qui domine notre Église, qui domine notre vie.
Ce mystère de vie, ce mystère glorieux à jamais.
Au nom du Père, et du Fils et du Saint Esprit. Amen
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