Cher frère Jean-Valère,
D’abord, bénissons Dieu toujours fidèle. Lui que nous oublions si souvent ne cesse de venir à nous. Il nous donne sa vie par le baptême, nous fait recevoir son pardon, nous unit dans l’action de grâce, se fait notre nourriture de pèlerin dans l’eucharistie. Il veille à ce que nous puissions recevoir cette nourriture et ce pardon en appelant des serviteurs et en les consacrant par l’ordination.
Béni soit le Seigneur qui vous a choisi et vous a donné la grâce de lui répondre oui.
Béni soit le Seigneur pour votre famille, premier et véritable terreau de votre éducation dans la foi.
Béni soit le Seigneur pour votre famille religieuse de l’Assomption : elle vous encourage à la vie fraternelle pour “ être ensemble un seul cœur et une seule âme” en témoins joyeux de l’Évangile dans le monde entier !
Bénie soit la paroisse Saint-Pierre de Chaillot qui vous accueille durant votre formation. Avec les autres paroisses de Paris, elle est un signe modeste mais visible de la porte grande ouverte de la foi à tous nos contemporains, à tous les habitants qui y vivent, et à tous ceux qui y passent.
Frère Jean-Valère, vous avez choisi ces paroles de l’Écriture Sainte que nous avons entendues juste avant que vous soyez ordonné. Ces paroles viennent habiter notre cœur et votre cœur.
Ce sont d’abord les paroles du Prophète Jérémie (Jérémie 1 4-9). Vous m’avez dit que la figure de ce prophète vous parlait tout particulièrement.
Cet homme vit une vie d’adversité permanente au milieu de ce peuple qui souffre entre une déportation et une autre et qui ne sait plus à qui s’adresser pour avoir la paix. Ce peuple tenté comme nous le sommes tous par les alliances politiques à courte vue, par la violence, par l’idolâtrie de l’argent, par le découragement …
Jérémie dit ce qu’il lui est demandé de dire : ce ne sont pas toujours des mots de facile consolation, mais l’annonce de la fidélité du Seigneur envers et contre tout, l’appel à la conversion et l’ouverture à la vie de fils et de filles de Dieu pour tous, pourvu qu’on lui dise oui par la foi !
Son langage, son annonce du Royaume sont faits de paroles, mais aussi de gestes. Rappelez-vous les gestes de la ceinture dans l’Euphrate, de la cruche brisée, du joug sur les épaules et tant d’autres. Jérémie s’engage personnellement avec son esprit et avec son corps pour annoncer ce que le Seigneur lui demande. C’est un homme libre et rien ne l’empêche de parler, même au roi. Pas même l’enfermement dans la citerne à l’intérieur de son palais. Le Seigneur lui avait promis : “N’aie pas peur, tout ce que je te commanderai, tu le diras.”
Le prophète sait qu’il n’est pas seul : il est d’abord soutenu par la présence de Dieu pour accomplir son ministère. “J’ai placé mes paroles dans ta bouche…”; et le Seigneur prépare le terrain dans les cœurs, dans son propre esprit.
Surtout il est habité par l’amour de ses frères. Il sait que « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés. Tous ces hommes et ces femmes ne peuvent pas le savoir, si personne ne leur dit ( “ Comment entendraient-ils si personne ne leur dit ?”)
Bien sûr, le prophète préfigure le Christ lui-même dans sa Passion. Jean-Valère, en suivant le Christ, vous serez mené là où Jésus va. Il vous associera à sa Passion, où il se remet et nous remet entre les mains du Père, où il nous sauve en nous libérant de la racine de l’égoïsme et de la haine, où il nous donne son Esprit pour devenir chaque jour davantage ses fils et ses filles.
Vous avez aussi entendu résonner dans votre cœur, ces paroles de l’Évangile (Jn 12, 24-26) qui nous ont été chantées. Ces paroles ont été dites dans un contexte très particulier. Nous nous trouvons à Jérusalem, et il est dit que des Grecs sont venus en pèlerinage à Jérusalem pour fêter la Pâque, et qu’ils ont entendu parler de Jésus mais ne l’ont pas vu, ni entendu. Pris par la curiosité ou la recherche spirituelle, ils cherchent à rencontrer Jésus, mais il y a des foules qui écoutent et ils se demandent comment l’approcher. Ils ont repéré un disciple Philippe (nom grec), qui parle leur langue et ils lui disent qu’ils veulent voir Jésus. Philippe en parle à André et ils disent à Jésus que des Grecs veulent l’entendre. La réponse de Jésus, c’est celle que nous avons entendue : “ En vérité, je vous le dis si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas il reste seul ; si au contraire il meurt il porte du fruit en abondance. Celui qui aime sa vie la perd et celui qui cesse de s’y attacher en ce monde la gardera pour la vie éternelle. Si quelqu’un veut me servir qu’il se mette à ma suite et là où moi je suis, là aussi sera mon serviteur. Si quelqu’un me sert, alors mon Père l’honorera.”
Frères et sœurs, Jésus est en train de révéler sa prochaine Passion et sa résurrection et il parle de son Père. Ces Grecs, comme les douze en entendant ces paroles, sont introduits dans le cœur du mystère de Dieu. C’est le mystère infini de l’amour de Dieu qui leur est dévoilé, en même temps que la révélation de la Passion et de la résurrection, en même temps qu’un appel de Jésus à le suivre et qu’une sorte d’image pour dire : “Acceptez avec moi de porter du fruit, en donnant votre vie parce qu’elle donne un fruit infini”.
Jean-Valère, la fécondité de la Parole de Jésus est la fécondité qu’il va vous donner si vous portez sa Parole. Au temps de Jésus, les Grecs et les Ethiopiens, les “craignants-Dieu” venaient en pèlerinage à Jérusalem prier et ont découvert Jésus. Aujourd’hui, “des Grecs et des Ethiopiens”, il y en a encore partout dans le vaste monde qui demandent à ceux qui parlent leur langue de les introduire à Jésus. Jean-Valère, c’est ce que vous allez faire ou continuer de faire.
Vous avez aussi souhaité que nous entendions l’apôtre Pierre, qui souligne certains aspects de la vie fraternelle entre chrétiens, entre frères et sœurs, et dans votre communauté où vous vivez quotidiennement comme religieux de l’Assomption.
Vous m’avez dit “cette vie fraternelle je la reçois et je veux la donner aussi.” Cette charité vous pousse vers les autres. Alors Pierre vous rappelle par une formule magnifique le sens de ce que vous faites et ferez en vous invitant à être “l’intendant de la grâce de Dieu sous toutes ses formes” (littéralement « diaconisez comme de bons économes la grâce multiforme de Dieu »). Cela fait partie de votre ministère.
Quelle responsabilité ! Vous entendez ces paroles au moment où l’Église prie pour les membres de l’Assemblée synodale. L’Eglise veut pour le monde avoir elle-même plus d’amour, plus de foi, plus d’espérance et prendre les dispositions qui s’imposent aujourd’hui pour être fidèle à la mission confiée.
Cher Jean-Valère, que l’intercession de Marie remplie de l’Esprit de prophétie qui lui fait chanter le Magnificat, intercède pour vous en mettant sans cesse sur vos lèvres, la louange de Jésus, la louange de Dieu, en racontant ses merveilles dans les cœurs, ces merveilles dont vous êtes témoin, serviteur et en entraînant tous ceux que vous rencontrerez à la louange. On a parlé dans la présentation de votre sourire, signe de votre joie intérieure. Que le Seigneur vous la garde !
Oui, “que notre vie soit ta louange ”. “ Ma louange sans cesse à tes lèvres. Je vivrai pour te louer”. “De jour en jour, annoncez son salut, racontez sa gloire parmi les nations, ses merveilles parmi tous les peuples”.
Amen.
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