Frères et sœurs, ces lectures résonnent à nos oreilles de manière surprenante.
Le prophète Amos a commencé par dénoncer ceux qui disent : “Nous vendrons jusqu’au déchet du froment…” Par lui, nos oreilles se glissent dans le secret de ceux qui trichent, manipulent les balances, cherchent leur profit par tous les moyens. Un obstacle, pourtant, se dresse sur leur chemin : “que le temps du sabbat soit écoulé, disent-ils, pour enfin revenir à nos affaires.” L’ « obstacle » du sabbat, dernier rempart avant l’écrasement complet des pauvres. Bienheureux sabbat donné à l’homme pour qu’il ne perde pas son espérance ! Espérance des pauvres, qui crient vers Dieu, espérance des pécheurs, pour qu’ils se convertissent…
Dans l’Évangile, un homme fait face à ses actes mauvais, et ceci à nouveau grâce à l’obstacle du temps qui lui échappe, du temps qui lui est compté. Son maître lui retire sa gérance. Il ne pourra plus dilapider à l’infini les biens de ce maître. Nos oreilles se glissent à nouveau dans le secret de sa délibération, nous voyons – certes avec surprise pour ne pas dire plus – les actes qu’il pose au bénéfice des autres. La conclusion est encore plus surprenante : en raison de son habileté, voici la confiance retrouvée, et l’avenir s’ouvre devant lui. Jésus en fait le modèle de ceux qui savent vivre en vue des demeures éternelles, autrement dit un modèle à suivre par ses disciples.
Le don du sabbat, le délai fixé au gérant malhonnête, la vie fondée sur le désir des demeures éternelles : autant de manières pour nous de progresser et de nous convertir.
Comment le rythme de notre vie est-il ouvert à Dieu ? Comment le dimanche donne-t-il son sens aux autres jours de la semaine ?
Comment risquons-nous d’être asservis par l’idéal du repos, la poursuite de nos intérêts, la fixation des urgences et priorités à partir de soi seul… au point de servir deux maîtres ?
Comment puis-je lutter contre l’angoisse, les calculs, les soucis de ce monde, pour me rendre disponible au projet de Dieu, pour orienter ma vie vers les demeures éternelles ?
Nous sommes appelés à la confiance. Amos dévoile le cœur des impies, mais proclame la confiance des pauvres : “Le Seigneur le jure par la Fierté de Jacob : Non, jamais je n’oublierai aucun de leurs méfaits.” Jésus fait l’éloge d’un homme qui a su par son habileté remettre en confiance sa vie à d’autres que lui. Il a su faire de sa misère une occasion de richesse et d’amitié. L’ordre des relations retrouve son bon sens.
La confiance nous est dévoilée comme un passage assuré, des petites choses aux grandes choses. Le cœur de l’homme peut apprendre à aimer, à donner et se donner, en vue des demeures éternelles.
La deuxième lecture dévoile le cœur, non celui des hommes pervertis par leurs intérêts, mais celui des hommes emplis de confiance. Ils savent le dessein éternel de Dieu, sa volonté que tous les hommes soient sauvés. Dans cette assurance, ils prient pour la paix du monde et pour les dirigeants. Prier « saintement, sans colère ni dispute » malgré toutes les causes d’inquiétude possibles, quel signe de confiance et de conversion profonde !
L’appel de la confiance se double d’un autre appel : celui d’habiter ce monde, nos lieux de vie familiale, paroissiale, professionnelle, amicale… La confiance conduit à l’amour dans la communauté, comme cela est bien expliqué par Mgr Bruno Lefevre Pontalis dans son éditorial cette semaine : chacun reçoit sa mission et ses frères, dans un « oui » qui exprime la foi, la confiance en Dieu d’abord, et en cette Eglise qu’il construit avec chacun de nous, selon sa vocation.
La mission de l’Eglise dans le monde est aussi celle-ci : apprendre à confier sa vie à un autre que soi, à vivre en frère avec ceux que l’on n’a pas choisis, à donner gratuitement ce que l’on a reçu gratuitement.
Alors qu’un nouveau pasteur arrive dans votre paroisse, laissons résonner ces mots d’un évêque polonais au seuil de sa mission :
je ne suis ni politicien, ni diplomate, je ne suis ni militant, ni réformateur, au lieu de cela, je suis votre père spirituel, pasteur et évêque de vos âmes… Ma mission est sacerdotale, pastorale, apostolique, issue de la pensée éternelle de Dieu, de la volonté salvifique du Père qui partage joyeusement son bonheur avec l’homme… Ma tâche est de célébrer pour vous les sacrements, de vous apporter la lumière du Christ, aidez-moi à porter le flambeau de Dieu au plus haut point de la maison pour que tous puissent recevoir sa lumière.
Voilà une prière qui s’exprime saintement, sans colère ni dispute, dans le présent de la communauté où il est envoyé. Notre mission est de vivre la confiance dans les petites et les grandes choses. Ainsi se construit le Royaume dans la vie quotidienne. Ainsi Dieu lui-même prend soin de nous, par le zèle d’un curé, par l’amour des frères.
Que sa bénédiction accompagne la mission de votre nouveau curé et qu’elle accompagne chacun d’entre vous dans le don qu’il fera de sa vie, de sa foi, de sa confiance au Seigneur pour le bien de ses frères.
Amen.
																							
											
										
		
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