Est-ce que Jésus serait comme ces conteurs infatigables qui racontent sans cesse des histoires de colères, de guerres et de chasse? C’est étonnant d’entendre Jésus, en ce début de l’Avent parler de la fin des temps, en rapprochant ce moment-là du début de l’Histoire et du déluge. À moins que ces deux moments permettent des rapprochements intéressants à faire et donnent un éclairage sur notre présent.
Alors, regardons d’un peu plus près. Aujourd’hui premier jour de l’Avent, avec cette parole de Jésus, nous sont proposés un constat et un appel.
Tout d’abord : un constat
Au temps de Noé, “ avant le déluge, on buvait, on mangeait, on prenait femme, et on prenait mari”, toutes choses ordinaires, la vie s’écoulait, toutes choses que nous faisons. Mais voilà ! Il y a eu un événement, qui a été plus fort que le mal dont ces gens étaient atteints. Le déluge est survenu. Ces gens-là ne se sont doutés de rien. Ils ont tous été engloutis. Ils n’ont rien vu venir, pris dans le train-train quotidien, qui enferme, qui aveugle, qui fait que l’on ne s’occupe de rien. C’est la gravité de l’insouciance, la fatalité du temps qui passe.
Cela n’est pas sans rapport avec ce que nous pouvons vivre dans nos existences. Nous sommes assez facilement pris par le matérialisme, le train-train ou même les idées dominantes – cette pensée unique qui nous empêche de penser nous-mêmes et qui finalement nous enferme.- Tout cela crée une certaine cécité, on ne voit plus, on n’a plus de recul. On oublie les grandes questions fondamentales.
Or le temps de l’Avent est là pour nous révéler et nous aider à mettre dans notre cœur, les grandes questions existentielles. Pourquoi suis-je sur la terre? A quoi sert ma vie ? Qu’est-ce que j’attends par-dessus tout ? Qu’est-ce qui me met le cœur battant ? Pourquoi le matin je me réveille et j’ai envie de mordre la vie ?
C’est cela que Jésus veut réveiller dans notre cœur, en ce temps particulier qui commence. C’est ce qui a manqué aux contemporains de Noé, qui vivaient dans le train-train de leur existence.
Il faut un choc qui réveille, un choc à la hauteur de notre espérance, de ce pour quoi nous sommes faits.
Comme il y a eu le déluge, il y a aujourd’hui cette préparation à Noël. Il ne faut rien de moins que le surgissement du Christ Jésus, à nouveau, quel que soit notre âge, mais encore plus que l’année dernière dans notre existence. Seule la venue du Christ, l’irruption du Christ peut nous secouer et nous aider à ne pas manquer l’essentiel. A nous rappeler qui nous sommes, ce pour quoi nous sommes faits, notre vocation, notre chemin, notre destinée, la vie éternelle. Toute chose qui compte, la façon d’aimer.
Oui, Noël vient et cette irruption qui doit nous sortir du train-train, nous réveille pour nous mettre devant l’importance et la responsabilité de notre existence bénie par Dieu , donnée par Dieu, au point qu’Il vient en cette existence se faire l’un de nous.
C’est le sens de l’Avent, réveillez-vous, ne vous laissez pas endormir, anesthésier par le temps, le ron-ron.
Deuxièmement, un appel
Deuxième point important dans les paroles de Jésus, c’est cet impératif qui résonne en ce premier jour de l’Avent : “Veillez” , souvent accompagné dans l’Evangile de “ Priez”. “Veillez et priez”. Ici il n’y a que “veillez”. J’en ai eu l’expérience cette nuit, où il m’est arrivé quelque chose d’assez étonnant. A deux heures du matin, je me suis retrouvé à l’extérieur de mon appartement, sans les clés restées à l’intérieur. Le serrurier a mis du temps à arriver, il n’arrivait pas à ouvrir, cela a duré un bon moment, mais j’ai eu le temps de veiller. J’ai attendu, avec patience, j’ai pensé à l’Evangile d’aujourd’hui, je me suis calmé ! Cette petite expérience montre que la veille conduit à quelque chose. L’attente conduit à quelque chose. Si Dieu sait ce dont nous avons besoin, si Dieu est au début de toutes choses, si Dieu est la source de tout bien, si Dieu nous aime à un point inimaginable, alors il ne faut pas que je manque ce rendez-vous ! Quel loupé de passer à côté de ce qu’Il vient me donner …
Alors, il faut veiller, il faut être attentif. “ Deux hommes sont au champ, l’un est pris, l’autre laissé, deux femmes sont en train de moudre du grain, l’une est prise, l’autre laissée” c’est-à-dire, que l’on peut être attentif ou inattentif, que l’on peut accueillir ou laisser passer à côté. Quel loupé pour ceux qui laissent passer la grâce, le rendez-vous, le passage de Dieu. Ne soyons pas des marmottes spirituelles, ne soyons pas en hiver spirituel. Oui, la veille, c’est mordre un peu sur notre nuit, sur notre repos pour laisser notre coeur s’orienter vers ce qui est important. Veiller et prier.
Pendant cet Avent, une piste intéressante. Le jour tombe beaucoup plus tôt, il est bon de prendre quelques instants chaque jour pour vivre cette veille dans la nuit. Essayez pendant l’Avent, de ne pas vous endormir, sans avoir prié cinq minutes. Veillez dans la nuit. L’apôtre saint Paul dans la deuxième lecture nous dit : “Rejetons les œuvres des ténèbres, revêtons-nous des armes de la lumière.” Nous sommes des fils et des filles de la Lumière. Vous êtes des disciples de Celui qui a dit : “Je suis la lumière du monde.” Nous nous apprêtons à accueillir la Lumière et c’est pour cette raison que nous mettons de la lumière, que la couronne de l’Avent va progressivement s’éclairer. Saint Paul nous dit des choses très simples mais très fortes : “ Conduisons-nous honnêtement, comme on le fait en plein jour, sans orgies ni beuveries, sans luxure ni débauches, sans rivalité ni jalousie”. Il exagère un peu saint Paul, mais cela nous renvoie à notre conscience, à ces petits dérapages, ces petits laisser-aller qui viennent engluer notre existence.
“ Conduisons-nous honnêtement” : le temps de la veille, de la prise de conscience est le temps de l’Avent, celui où l’on va réajuster nos conduites honnêtes, en disciples du Christ. “ Revêtez le Christ” : nous en sommes ses disciples, au baptême, nous avons été revêtus du Christ. Nous perdons parfois ce revêtement, que ce temps de l’Avent nous permette de nous revêtir à nouveau du Seigneur Jésus-Christ, selon la consigne de Jésus et de saint Paul à sa suite.
Mes amis, c’est un temps béni que nous commençons. Demandons tout d’abord, la grâce d’être attentifs, de ne pas nous laisser engloutir par tout ce qui nous entoure, comme les contemporains de Noé. Soyons au contraire, ouverts aux questions fondamentales qui font notre vie, laissons surgir la nouveauté du Christ dans notre coeur, même si nous sommes de vieux chrétiens et pour cela prenons le chemin de la veille, c’est-à-dire mordons sur ce qui est assez important pour nous, notre sommeil, pour des choses assez importantes pour les donner à Dieu, et conduisons nous honnêtement. Vous passerez ainsi un Noël qui renouvellera en cette fin d’année 2025 votre existence.
Noël, c’est cela ! Si c’est la même chose que l’année dernière ce n’est pas la peine ! Si c’est nouveau, oui ! Avec Dieu c’est toujours nouveau ! Chaque matin, nouveau ! Ce Noël 2025 sera nouveau, si nous nous y préparons, si nous apprenons à vivre et à rectifier tout ce qui n’est pas juste dans notre existence.
Béni, sois-tu Seigneur, pour ces paroles que tu nous donnes en ce début de l’Avent, sois avec nous, pour que nous puissions accueillir ta présence avec une profonde joie, beaucoup de douceur, et beaucoup d’intériorité. Ne nous laissons pas fasciner par la magie extérieure, mais avec la Vierge Marie, avec saint Jean Baptiste, apprenons l’intériorité, apprenons le silence. Laissez monter en vous ce désir d’accueillir le Christ qui renouvellera notre existence.
Amen.
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