Frères et sœurs, aujourd’hui nous fêtons la Sainte Famille et c’est le dernier jour de l’année.
Dans les trois premiers textes du jour, la première, la deuxième lecture et le psaume, on parle d’Abraham. Dans l’évangile du jour, de la Sainte Famille.
La Sainte Famille. Vous avez souvent eu l’occasion d’en méditer la vie et de prendre pour modèle le silence de Nazareth, la parfaite communion de ces personnes dont deux ne connaissaient pas le péché originel, leur travail. Je n’insiste pas. Vous savez !
J’aimerais plutôt vous inviter aujourd’hui à contempler la figure d’Abraham.
Fêter la famille avec Abraham n’est pas évident. Comme modèle familial, Abraham peut sembler assez étonnant !
Abraham ne s’entendait pas avec son père, son mariage avec Sara avait commencé de façon difficile. Pour sauver sa vie, il a mis sa femme dans les bras d’un autre, il a couché avec la servante de sa femme. Il s’est séparé de son frère pour des raisons économiques, il a cru devoir donner la mort à son fils! Excusez du peu !
Alors pourquoi parle-t-on de lui, en ce jour où l’on parle de la famille ?
On parle d’ Abraham à cause de la Foi.
C’est un homme qui a traversé la vie, avec tout ce qui peut arriver dans la vie. Mais il l’a traversée avec foi. Dans nos familles, il peut nous arriver beaucoup de choses.
Voilà qu’en ce dernier jour de l’année, l’Eglise nous dit : “Tu peux connaître des épreuves, des ratés, mais traverse la vie avec Foi.”
Trois petites phrases m’ont frappé dans ces textes.
- Souvenez-vous des merveilles de Dieu
Cette première phrase est tirée du psaume. “Souvenez-vous des merveilles de Dieu.” Abraham est un homme vieillissant, avec un père un peu despotique. Il a une vocation : Dieu lui demande d’aller au fond de lui-même. Probablement, il a fait ce voyage – qui est difficile pour chacun d’entre nous – de se connaître soi-même, de découvrir que nous ne faisons pas forcément ce que nous voudrions, que nous ne sommes pas exactement celui que nous aimerions être, qu’il y a des faces de nous-mêmes que nous ne connaissons pas. Si nous n’allons pas au bout de nous-mêmes, c’est parce qu’il y a des ombres. Abraham connaissait ses ombres. Mais il est sûr, dans sa vocation, que malgré ces ombres, tel qu’il est, Dieu l’aime.
Et au fond, être sûr de Son amour change le regard sur le monde. Sur les autres.
Chantez les merveilles du monde, souvenez-vous des merveilles que Dieu a faites.
J’ai reçu pas mal de cartes de vœux, j’y ai lu beaucoup de choses très désagréables sur l’année qui vient de s’écouler, et de fait nous avons vécu beaucoup de mauvais moments.
Il n’empêche ! “Souviens-toi des merveilles de Dieu.”
Il y a eu des enfants qui ont souri à leur mère.
Il y a eu des personnes qui se sont mises au service des autres.
Il y a quand même des étoiles, il y a quand même des fleurs….
“Souviens-toi des merveilles de Dieu…”
Si nous aimons, nous ne voyons pas les choses de la même manière.
Dans nos familles, nous n’aimons pas les bêtises que font nos enfants, et nous cherchons à leur éviter de faire ces bêtises. Mais nous les aimons bien au-delà de ce qu’ils font de mal. En tout cas, c’est ainsi que Dieu nous aime : au-delà de ce que nous faisons de mal.
2.Abraham est parti sans savoir où il allait
La deuxième phrase m’a frappé : “il est parti sans savoir où il allait.”
Nous allons commencer une année, vous comme moi, nous ne savons pas de quoi elle sera faite.
Il y aura peut-être des amours inconnues, il y aura peut-être des amitiés imprévues, il y aura peut-être des drames, nous ne le savons pas.
Nous avons probablement des assurances-vie, mais ce n’est pas cela qui donne le bonheur.
“Il partit sans savoir où il allait.”
Dans la première lecture, entre la première phrase et la dernière, 25 ans s’écoulent ! 25 ans c’est long ! On évoque une promesse de Dieu qui a mis 25 ans à se réaliser ! Pendant ces 25 ans, Abraham a vécu, a marché, a cru, sûr de Dieu, sûr de la promesse de Dieu ! Fidèle, il ne savait pas où il allait, mais il savait qu’il allait avec le Seigneur quoi qu’il arrive.
Même si les choses ne sont pas tout de suite comme on voudrait qu’elles soient.
Nous avons tous été baptisés, confirmés, nous avons tous reçu des promesses de bonheur, des promesses de vie éternelle; il est vrai que nous ne savons pas où nous allons. Mais Dieu a promis, et Dieu est fidèle!
A notre tour d’être fidèles, fidèles dans cette incertitude, fidèles pour vivre chaque instant de notre vie qui vient. Je trouve que c’est assez extraordinaire cette fidélité.
- Le Seigneur estima qu’Abraham était un juste
Une troisième phrase mérite d’être soulignée : “Le Seigneur estima qu’il était juste.” Abraham était un juste. Comme je vous l’ai dit, avec nos critères d’aujourd’hui et vue de l’extérieur, sa vie morale ne semble pas parfaite. L’histoire du sacrifice d’Isaac est horrible quand on y pense ! Et pourtant il me semble que par elle, Abraham a quelque chose à nous apprendre.
Cette histoire nous apprend que nous n’avons jamais un droit de vie et de mort sur un être humain: Dieu refuse le sacrifice humain. C’est clair et pourtant la volonté d’Abraham a quelque chose à nous apprendre. Au fond, Abraham voulait offrir à Dieu ce qu’il avait de meilleur, ce à quoi il tenait le plus. C’était la coutume d’exprimer son amour de Dieu en offrant son fils premier-né. Certes cette coutume était horrible. Mais elle devrait nous apprendre quelque chose de juste : nous ne sommes pas propriétaires les uns des autres, même de nos enfants. Nous ne sommes pas propriétaires de ce qui nous est donné par Dieu. Nous sommes des gérants.
Abraham est le patron de tous ceux qui ne font rien d’extraordinaire : il a mené sa vie en cherchant des lieux pour faire paître ses troupeaux ! Nous pensons quelquefois qu’être chrétien, c’est être capable de grandes générosités et de faire des actions méritoires ! Je ne veux pas vous en dissuader, mais ce n’est pas cela l’important !
Dieu agit souvent dans l’ordinaire de la vie : une grossesse, une naissance, une vie dans le quotidien de Nazareth. Même si nous ne sommes pas capables de grand-chose, nous pouvons continuer à croire, nous pouvons continuer à aimer.
Abraham sait vivre l’instant présent avec Foi, sans en être propriétaire. Il nous indique un chemin des petites choses. Dieu agit par nous. Les Juifs attendaient un Messie, deux personnes importantes dans l’Evangile d’aujourd’hui pensent qu’un roi, un messie, va tout changer. Mais Dieu agit simplement, par le ventre d’une femme qui met au monde un enfant. C’est tout simple.
Des petites choses que nous faisons tranquillement, sans nous sentir propriétaires, en essayant d’être justes, il me semble que c’est l’enseignement d’Abraham pour nos familles aujourd’hui.
Voilà que l’année se termine, voilà que nous sommes invités à la foi.
Cette semaine, nous avons appris le décès de Jacques Delors. J’ai eu la chance de le connaître alors que sa femme était catéchiste à Notre Dame de Bercy. Chacun peut avoir son opinion sur ses options politiques, mais je peux témoigner de sa foi. A chaque instant, il a essayé d’être fidèle à la lumière qu’elle lui donnait pour comprendre, agir, essayer d’être juste. Son exemple prouve que ce n’est pas impossible même si l’actualité peut être obscure.
Au lieu de râler, au lieu de dire que nous sommes dans un monde difficile, prenons le temps de regarder, de chanter les merveilles de Dieu, même si nous ne savons pas où nous allons, parce que Dieu nous aime et nous donne la force d’aimer. C’est lui qui rend juste celui qui croit.
“Bonne année.”
Un commentaire