L’ordination diaconale de Jean-Valère Kouwama

Homélie de Mgr Dubost pour l’ordination diaconale de Jean-Valère Kouwama,

le 16 octobre 2022.

 

 Avez- vous entendu la dernière phrase de l’Évangile?

 C’est une question posée par Jésus !

“ Est-ce que le Fils de l’homme lorsqu’il reviendra sur terre trouvera la foi ?”

 C’est une question un peu glaçante pour une ordination ! Pourtant il faut se la poser réellement. Pendant une ordination, nous ne sommes pas dans une parenthèse qui nous empêche de voir ce qui se vit dans le monde. Ce qui se vit dans notre monde, (peut-être moins chez toi,Jean-Valère) c’est que de plus en plus de gens sont complètement indifférents à Dieu et quelquefois même dans nos familles et parmi nos proches.

Au début de cette semaine missionnaire, beaucoup d’entre nous se demandent  comment redonner le sens de Dieu, comment  vivre sa foi dans notre monde.

Je prétends que la cérémonie de ce matin est  un début de réponse:  Dieu s’occupe de nous, puisque par son Esprit il a appelé Jean-Valère : nous ne sommes pas  orphelins ! Mais  il faut aller beaucoup plus loin, il faut prendre cette ordination pour chacun d’entre nous, pour vous comme pour moi, comme un signe que Dieu nous fait dans ce monde où le mal existe, où les scandales existent et où  tant de personnes  ne croient pas en Dieu.

Ce signe, c’est le signe du service : le mot diacre, tout le monde le sait, veut dire serviteur.

Cela nous pose une question essentielle : Sommes-nous serviteurs ? Être chrétien dans ce monde,  c’est accepter de suivre le Christ serviteur.

Vous me direz,  ce sont des mots mais je suis sûr, certain, que  tous ici, nous serions malheureux si nous avions  l’impression de ne servir à personne.

 Au fond, servir donne une idée du sens de la vie.

Même si nous ne l’exprimons pas comme cela, être inutiles aux autres, nous rend malheureux . Ceci nous fait comprendre que le service, que  tout service est, comme de l’intérieur, quelque chose qui appelle au bonheur. Suivre le Christ, c’est avoir une manière de servir qui n’est pas simplement d’être gentil avec les autres, de fêter leur fête, de laver le linge,  non c’est un service qui a pour but le bonheur. Et qui donne les moyens du bonheur.

 

 Nous pensons évidemment à Jésus, prenant le tablier de serviteur et lavant les pieds de ses disciples, pas simplement pour leur laver les pieds mais pour leur indiquer une piste du bonheur – ce bonheur qu’il va donner gratuitement à tous grâce à la Croix. Il purifie pour rendre heureux ! Et  si nous ordonnons des diacres, c’est pour rappeler à chacun de nous que nous avons ce travail à faire. Les premiers chrétiens aimaient appeler le Christ avec le vocable de serviteur, s’inspirant du livre d’Isaïe  où le Serviteur, méprisé par tous, prenait sur lui le mal du monde, pour  sauver le monde: et ceci est  notre vocation à chacun de nous. Bien sûr, le diacre est là pour le signifier, mais c’est à chacun de nous de prendre sa part pour porter le mal du monde et conduire au bonheur.

 

Jean-Valère a choisi les textes d’aujourd’hui pour commenter son ordination.

Ces textes nous disent des choses intéressantes sur le service.

– Le premier texte rapporte l’histoire de Moïse. Moïse est un vieux, il ne peut plus rien faire, mais il agit quand même, alors qu’il n’a plus de forces. Il est totalement solidaire de son peuple, il voit ce qui se passe, il veut collaborer, il refuse de baisser les bras, il se fait aider par d’autres.  Peut-être qu’il nous inspire dans ce monde en ébullition, en guerre, en épidémie en nous disant “ Même si tu penses que tu ne peux rien faire, reste solidaire. Ton service de chrétien, c’est d’être solidaire avec ce monde et de ne pas baisser les bras, même quand tu ne comprends pas, de te faire aider pour être toujours présent.

 – Il y a la lettre à Timothée : lui, c’est un jeune. Lui sent qu’il désespère un peu, il n’est pas plein d’espérance ! Que lui dit Paul ? Il lui dit : “Tu dois continuer à servir et pour cela laisse-toi travailler par la parole, lis l’Écriture mais surtout essaie d’écouter ce que je te dis à travers l’Écriture. Essaie dans le monde où tu es, de te demander comment  tenir compte de cette écriture et de l’actualité.” Moïse regardait l’actualité, il était inspiré par Dieu mais le texte de saint Paul insiste sur un point : il faut regarder l’actualité avec les yeux que Dieu nous donne en nous  façonnant par l’Écriture. Ainsi, nous devenons capables de mettre des mots sur des situations, de rendre le service de l’éducation, en faisant  sortir des gens le meilleur d’eux-mêmes, en faisant  jaillir la justice qui est dans leur cœur.

Jean-Valère, tu as travaillé sur la communication et tu fais partie d’un ordre qui travaille beaucoup sur la communication, et c’est de cela qu’il s’agit ici.  C’est un service essentiel dans les difficultés. Il ne s’agit pas  simplement de répéter le passé, de savoir les choses sur l’Écriture, il s’agit d’ être capables dans l’actualité de réinterpréter ce que dit le Christ pour avancer et faire face.

-Enfin, l’Évangile  nous rappelle aussi quelque chose d’essentiel. Si nous voulons ressembler à Dieu, nous ne pouvons pas ne pas entendre le cri des malheureux ! Dieu veut écouter le cri des malheureux et c’est notre travail à nous de faire monter ce cri. Le Christ nous y invite  à travers cette parabole en disant : “ prie, demande il très bien de louer Dieu, c’est même essentiel, mais demande, fais-toi porteur de la misère du monde pour demander à Dieu justice. Et si  tu demandes à Dieu justice, cela va transformer ton cœur cela va t’obliger  à prendre part au combat pour   la justice.

Jean-Valère, je suis sûr que tu pries déjà ; dans l’ ordination diaconale, les diacres s’engagent à prier le bréviaire, la prière du temps présent, l’office divin, à être chargé de la prière de l’Eglise. Il y a un côté un peu dangereux à dire cela devant vous mes frères et sœurs, le fait qu’il soit chargé de la prière ne nous en exonère pas !

Cette charge nous rappelle  qu’on ne peut pas servir les autres – tous, chacun d’entre nous – si l’on ne prie pas pour les autres et si l’on ne se fait pas un cœur capable d’entendre le cri des pauvres et de le porter à Dieu.

 

L’Écriture nous fait réfléchir sur  trois types de services qui sont essentiels et dont  tu nous rappelles, par ton ordination, l’importance.

 

 Je sais que tu vas faire tout cela et que nous  essayons de le faire comme nous pouvons. En tout cas, pour y arriver, nous pouvons compter sur une aide (et je sais que tu comptes dessus), c’est celle de la Vierge Marie. Marie s’appelle elle-même la servante, elle se fait servante de Dieu, en étant solidaire de son peuple. Il suffit de relire le Magnificat pour voir qu’ elle est solidaire  des pauvres et des riches, de la promesse, du bonheur, elle veut lutter pour le bonheur. Dans sa lutte, elle est proche du Seigneur et parce qu’elle est proche, elle sait, par exemple à Cana, nous demander d’aller vers lui. C’est sa manière d’appliquer la justice. Elle est à la croix, elle est là, elle nous est donnée comme Mère, et une Mère qui est avec nous pour nous accompagner aujourd’hui et jusqu’à l’heure de notre mort.

 

Tout à l’heure, j’espère que nous applaudirons Jean-Valère. Mais je vous le dis très clairement, nous serions hypocrites si en l’applaudissant nous disions, le service c’est pour lui et pas pour moi. Cette ordination dans un monde difficile, elle est faite pour nous rappeler qu’être chrétien c’est être serviteur, c’est donner sens à la vie, même de ceux qui s’en fichent, en leur montrant la gratuité de l’amour de Dieu.

Amen.

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