108e journée mondiale du Migrant et du Réfugié

Dimanche 25 septembre 2022 – 26e Dimanche Temps ordinaire – Année C

Messe à Saint-Pierre de Chaillot (16e)

A l’occasion de la 108e journée mondiale du Migrant et du Réfugié

– Am 6,1a.4-7 ; Ps 145,6-10 ; 1 Tm 6,11-16 ; Lc 16,19-31

 

D’après transcription

 

Homélie de Mgr Laurent Ulrich, archevêque de Paris

 

Il n’est pas nécessaire de se reporter au VIIIe siècle avant Jésus et sur la montagne de Samarie ou celle de Sion pour comprendre de quoi parle le prophète Amos quand il évoque « la bande des vautrés ». Dans tous les temps, dans tous les lieux, dans toutes les sociétés, à tous les moments de l’histoire, il y a eu de ces clans de pouvoir, des chefs qui trouvent que tout va bien puisqu’eux ils ont ce qu’il faut pour vivre. Ils se repaissent tranquillement et ne se préoccupent pas de ce qui se passe autour d’eux, de la misère des uns et des autres, ni même de ce que les peuples voisins et les états qui les entourent, les puissances voisines peuvent fomenter et préparer contre eux des agressions militaires, tout va bien, disent-ils, il ne se passera rien. Mais voilà que le malheur peut fondre sur leurs peuples, à cause de ces embardées militaires, agressives et conquérantes, et puis surtout leur laisser-aller moral, ne permettent pas à leurs peuples de garder courage, espérance et force. C’est ce point de vue que Jésus adopte dans l’évangile quand il dit cette parabole du riche et de Lazare, le pauvre, qui se tient devant son portail. Ce qu’il reproche à ce riche, comme le prophète Amos le reproche à ces chefs qui ne font pas attention à la réalité, c’est que cet homme a laissé dans son égoïsme se creuser autour de lui un fossé, un abîme que l’on retrouve dans le ciel après. Mais cet abîme est difficile à combler, ce que Jésus ne comprend pas, ce que Jésus veut faire comprendre c’est qu’il y a toujours risque que nous nous enfermions sur nous-mêmes et que nous laissions se creuser des abîmes autour de nous, dans une sorte de béatitude que nous goûtons, dans une sorte de facilité à laquelle nous nous laissons aller parce que nous pensons que tout va bien.

Bien sûr cette parole de Jésus peut nous toucher personnellement, peut nous toucher dans notre pays où nous vivons plutôt convenablement et confortablement et où nous pouvons oublier qu’il y a à l’intérieur de notre peuple, sur notre terre, mais aussi dans le monde entier, des peuples qui vivent plus difficilement, des précarités économiques, des injustices et des violences politiques qui les empêchent d’être heureux. Et c’est cet abîme que le Seigneur nous demande de combler jour après jour, de ne pas oublier que nous ne pouvons pas simplement considérer notre propre situation mais que nous sommes invités à regarder avec les yeux du cœur la situation du monde dans laquelle nous vivons. C’est cette ouverture de cœur que le Seigneur ne cesse de nous réclamer, siècle après siècle, dans tout pays où nous sommes et dans toute culture où nous vivons. Cet appel est permanent, cet appel est universel, cet appel est lié non seulement à la charité, non seulement au désir de venir en aide au plus proche, mais aussi à l’espérance qui nous habite, que le monde que Dieu aime est un monde fraternel, uni, proche, capable de combler toutes sortes d’abîmes qui séparent les hommes les uns des autres.

Si nous célébrons aujourd’hui la 108e journée mondiale du Migrant et du Réfugié, c’est pour que nous soyons rendus attentifs à ces situations qui requièrent non seulement notre attention charitable mais l’engagement de notre espérance chrétienne dans un monde réconcilié, uni, en communion. Nous le faisons à la suite de la demande d’un pape ancien, si c’est la 108e cela veut dire que l’appel a commencé en 1914 sous le pape Benoit XV, ce n’est pas une chose nouvelle, c’est une invitation que ce pape a voulu renouveler dans le monde tel qu’il était au début de la guerre de 14. Quand le pape Benoit XV ouvre pour la première fois cette journée de prière pour le Migrant et le Réfugié, il sait qu’il y a des abîmes qui sont en train de se creuser de plus en plus entre les hommes, entre les peuples et que les guerres vont produire de la migration et du besoin de se réfugier et de s’éloigner des violences. Et cela, malheureusement, a repris, s’est développé au cours du XXe et encore dans ce début de XXIe siècle, c’est toujours d’actualité.

C’est notre espérance qui est touchée et appelée, le Seigneur nous invite à le vivre, et aujourd’hui, dans cette paroisse, vous le vivez avec les communautés étrangères, hispanophone, italienne, philippine, et c’est heureux que vous puissiez accueillir, régulièrement, ces communautés dans cette paroisse, manifestant localement le bien qu’il y a à faire pour combler toutes sortes d’abîmes et de vide qui se creusent entre les hommes, d’une façon – j’allais dire presque naturelle – il nous est demandé d’une façon surnaturelle de combler ces vides et de nous ouvrir à toutes situations de détresse, à toutes situations d’injustice, et surtout à toutes situations d’éloignement des hommes les uns des autres, des communautés les unes des autres. Ce que vous essayez de vivre ici, pourvu que ce soit un signe, et pourvu que ce soit un appel pour chacun d’entre-vous, nous pouvons entendre très bien cette invitation que l’apôtre Paul fait à son disciple Timothée au début de la lecture que nous venons d’entendre : toi, l’homme de Dieu, recherche la justice, la piété, la foi, la charité, la persévérance et la douceur. Tout cela c’est ce qui comble les abimes qui se creusent entre les hommes et les communautés.

En ce moment vous voulez, au cours de cette année, entrer dans la démarche synodale que le Pape François nous demande de vivre, et vous voulez que se vive une Église plus fraternelle, plus capable de voir les enjeux des situations du monde d’aujourd’hui et tout à fait capable de se laisser traverser par l’Esprit-Saint qui veut changer ce monde et faire de l’Église un vrai outil au service du désir de Dieu. Que cette année vous soit belle et bonne. Que cette année vous ouvre et vous maintienne éveillés à ce désir de Dieu, qu’il fasse que jamais aucun d’entre nous ne soit simplement fermé par indifférence sur le bien-être qu’il a acquis et dans lequel il pourrait se laisser aller.

Que le Seigneur soit avec chacun de nous pour cela, aujourd’hui et demain.

 

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