Aux portes d’années funestes, le père Gaston Fessard avait invité inlassablement les chrétiens à s’interroger sur leurs deux amours. Amour de la paix et amour de leur nation. Il ajoutait que le pacifiste peut devenir « ennemi de la paix » et le nationaliste devenir « ennemi de la nation » lorsqu’ils affirment leur amour de la paix et de la nation d’une manière exclusive. Le père Fessard décrit lumineusement le renversement psychique et pratique qui pousse les deux attitudes existentielles – le pacifiste et le nationaliste qui sont en nous – à compromettre l’objet de leur amour, à faire de l’idéal de la paix ou de la nation une idole.
L’examen de conscience est ici requis pour ne renoncer à aucun de ces deux amours. Ces deux amours, bien dirigées, devront sans cesse constituer la personne humaine et les communautés humaines.
Nous ne surmonterons pas l’antagonisme du pacifiste et du nationaliste par un exploit verbal ou par un compromis institutionnel. L’antagonisme du pacifisme et du nationalisme ne peut être « résolu » que lorsque le jugement parvient à concilier en acte l’ordre de la justice (rendre à chacun selon ce qui lui revient) et l’ordre de la charité (rendre à chacun plus que ce qui lui revient). Le nationaliste s’imagine en effet que l’élan de la justice et de la charité s’arrête aux frontières de sa nation et le dispense de concourir au bien commun de l’humanité. L’internationaliste s’imagine que l’unité de l’humanité peut se réaliser sans le Christ et en supprimant les patries – « ou en résorbant la patrie graduellement, comme n’importe quelle autre forme d’association humaine.»[1]
« La communauté des nations doit-elle être ? » ; « La diversité des nations doit-elle être ? » Le p. Fessard a trouvé l’intelligence et les conséquences de cette double affirmation dans la logique de l’incarnation du Christ dans le peuple juif : deux « oui », deux amours jaillissent de l’événement de l’incarnation qui révèle l’unité de l’infime et de l’immense, la coexistence de l’appartenance politique et de la communion universelle, la rencontre du temps et de l’éternité.
P. Ollier (beaucoup de ce texte est emprunté à l’article « La vocation des nations. À l’écoute de Gaston Fessard », De Ligio Commentaire, 2022/4.)
[1] G. Fessard, « Pax Nostra ». Examen de conscience international, Cerf, 2022, p. 241
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