Cette question traverse l’histoire de la pensée. Plus encore, elle traverse l’histoire de la conscience humaine. D’où vient le mal.
Il n’est pas à propos ici de traiter la question de fond en comble, mais de donner quelques pistes de réflexion.
Premier point : dans la pensée chrétienne, le mal est considéré soit comme un mal vécu. Il est alors compris comme finitude de notre existence (nous ne sommes pas parfaits), blessure, mal non pas d’abord objet de mon consentement mais plutôt vécu comme une fatalité (mortalité, maladie, handicap tant physique que psychologique). On distingue ensuite le mal voulu. Celui qui fait l’objet cette fois d’un consentement de ma part : se priver ou priver les autres d’amour, vivre dangereusement sans penser à soi ou aux autres, abuser de son pouvoir, de sa richesse, de sa position, fermer les yeux sur le mal que je fais…
Deuxième point : même si la pensée chrétienne renvoie l’humanité à sa responsabilité dans le mal, elle introduit un élément d’atténuation de cette responsabilité. Le mal que je veux vient de plus loin que moi. Il est là avant moi, et en moi, avant même que je ne le pratique.
Troisième point : ce mal plus grand que moi, en moi, nous ne le connaissons en son origine que parce que Dieu nous en donne connaissance. Pour le dire simplement, nous voyons la profondeur du mal parce que Dieu nous en montre l’étendue. Il nous le montre dans le mystère de son amour pour nous. Comment ? Nous faisons tous un jour ou l’autre l’expérience de blesser un être cher. Cette faute nous poursuit bien plus que toutes les autres fautes, plus graves objectivement, mais qui trouvent moins d’écho en nous que la faute contre un être aimé, parent, ami, époux ou épouse (cela se vérifie souvent dans le divorce), fils ou fille. L’amour seul révèle la gravité de la faute.
Dans la réflexion chrétienne, la faute est toujours reliée à l’absence d’amour. Absence d’amour pour Dieu, qui n’est pas aimé. Ou à l’absence d’’amour pour moi et pour autrui. Nous le voyons, ce mal voulu, apparaître dans toute son horreur sur la croix du Christ, sur la croix des hommes. Et là même où elle apparaît, là elle est guérie.
Un mal plus grand que nous, que la psychanalyse ne peut guérir. Un mal plus grand que celui de la totalité des hommes. La judiciarisation à l’excès qui nous vient d’un modèle anglo-saxon ignorant ce mal ne peut la guérir.
Seul l’amour qui pardonne peut guérir ce mal. Amour de Dieu qui pardonne. Amour crucifié du Christ qui pardonne. Amour qui vient de nous et pardonne aussi.
P. Ollier
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