Le chef du gouvernement a annoncé en début de semaine sa décision d’allonger la session parlementaire afin de faire adopter en deuxième lecture, la dernière semaine de juillet, le projet de loi relatif à la bioéthique. Comment interpréter l’urgence d’un débat précipité alors que ce projet de loi remet en cause rien moins que ce qui constitue notre condition humaine, les fondements mêmes de notre humanité. Outre l’ouverture de la PMA aux couples de femmes, le texte permet à une femme de donner un ovocyte à sa compagne afin que celle-ci puisse, une fois l’ovule fécondé lors d’une FIV, porter l’enfant, ce que l’on appelle la « technique Ropa (pour Réception d’ovocytes de la partenaire) . Cette technique constitue un préalable à l’adoption, demain, par le parlement, de la GPA.
Le texte en cours d’adoption légalise ainsi :
1. l’autoconservation des ovocytes
2. autorise le diagnostic préimplantatoire permettant d’éliminer les embryons ayant une anomalie chromosomique
3. assouplit le régime de recherche sur les cellules souches embryonnaires…
Les rêves les plus fous imaginés par les docteurs des camps de concentration nazie reviennent sous nos yeux réalités, sans que cela semble gêner ceux et celles à qui les électeurs et les électrices ont prêté leur voix en faveur de l’humanité de leur condition d’existence. On assiste ainsi à un véritable déploiement de ce que l’on pourrait considérer comme une humanité déshumanisée, à l’émergence d’une conditio inhumana. Après la restriction des libertés fondamentales, voici la privation du lien de sang puisque l’humanité sera suspendue à la seule opération technique d’une réunion de cellules.
La vie est traitée en objet de recherche, le vivant manipulé, la procréation devient une production technique de nature mécanicienne et le corps humain réduit à une machine aux éléments dissociés et dissociables. L’eugénisme dont tout le monde s’accorde à dire qu’il serait discriminatoire est à notre porte. Et nous ne disons rien. Et cela sans doute est le plus grave. Que nous soyons si interdits. Quant à l’enfant, puisque c’est in fine de lui qu’il s’agit, il est prié, depuis sa conception, d’ignorer son père, réduit non au rôle de géniteur, mais au rôle de distributeur de gamètes. La figure symbolique du père, si importante dans la construction de la personnalité de l’enfant, puisqu’il garantit la distinction d’avec la mère et ouvre à la fraternité universelle, la figure symbolique du père disparaît au profit du fantasme autosatisfait de procréation. Un enfant objet de désir, mais non sujet de liberté.
On ne fera pas ici le procès de la science comme on a souvent reproché à l’Eglise de le faire, ce que les historiens récusent. On s’interrogera simplement sur le périmètre et la place que doivent avoir la science et ses découvertes dans la société humaine. La science est-elle à elle-même sa propre fin ou bien s’inscrit-elle dans le sillon de l’humanité ? Doit être au service de l’homme ? et ses conquêtes finalisées par le bien de tous ? En l’occurrence, ces techniques élaborées et coûteuses profiteront à peu de personnes. Au plus fortunés. Le fossé se creusera encore un peu plus entre riches et pauvres.
Disons-le clairement, la science n’est pas en mesure d’élaborer des principes éthiques. La raison technique ne peut se substituer à la raison qui se pense devant elle-même. La raison à la recherche de soi. C’est à partir de cette recherche qu’elle peut élaborer des principes éthiques : « Quand la raison réussit à saisir et à formuler les principes premiers et universels de l’être et à faire correctement découler d’eux des conclusions cohérentes d’ordre logique et moral, on peut alors parler d’une raison droite ou, comme l’appelaient les anciens, de orthòs logos, recta ratio » (« Fides et ratio »§4, Encyclique de Jean-Paul II sur « La foi et la raison »
Jusqu’où modifier la Création ? La filiation ? Qu’est-ce que la norme, quel statut lui donner ? Jusqu’où peut aller le désir individuel ? Doit-il primer sur la recherche du bien de tous ? Où commence le bien de tous ? Quelles réponses aux revendications de tous ordres, aux frustrations ? A la souffrance du manque ? À la différence subie ou choisie ? A la solitude de tous ordres, physique, psychologique, morale, spirituelle ?
Toutes ces questions, aux enjeux vertigineux, doivent être posées et débattues. Parce qu’elles engagent l’avenir de toute notre société et, au-delà, de notre humanité, elles méritent mieux qu’un débat escamoté, un vote à la sauvette. Une réflexion longue pour ne pas perdre, à la fin, notre humanité.
P. Ollier
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