Emmanuel Kant affirme que : « la raison n’a aucun intérêt à traîner dans l’éternité un corps qui doit toujours, si purifié qu’on le suppose, être composé de la même matière que celle qui forme la base de notre organisme et pour laquelle, au cours de sa vie, l’homme n’a jamais éprouvé une grande affection » (La religion dans les limites de la raison 3,2). Cette affirmation est largement partagée par beaucoup de nos contemporains, y compris des catholiques.

C’est bien mal comprendre le phénomène de la résurrection. On naît corruptible, écrit en effet saint Paul, on ressuscite incorruptible. Le corps ressuscité n’est pas le corps périssable que nous sommes aujourd’hui. Il sera transformé. Comme on le voit dans les évangiles lors de la rencontre des témoins avec le ressuscité.

Mais l’argument le plus décisif est sans doute le suivant : ce que Dieu a créé, il veut le conserver, mieux le parfaire. Dieu nous a créés corps et âme, un corps dans une âme selon une heureuse expression. Il préservera cette unité dans la résurrection de notre humanité. Mais le corps alors sera tout entier spiritualisé.

La possibilité de l’immortalité de l’âme n’existe que si l’âme cherche une totalité, et cela veut dire un corps immortel. « L’âme est grande et immortelle dans la mesure où elle cherche et espère l’immortalité du corps » (Lucien Goldmann, Le Dieu caché, Paris, Gallimard, 1959, p. 92).

Lazare est revenu à la vie. Il n’est pas ressuscité comme on dit que l’on ressuscitera au dernier jour. Il est mort, a revécu et est mort à nouveau.

C’est là sans doute l’enseignement de l’Évangile de ce jour.

C’est dans le Christ ressuscité, vainqueur à jamais de la mort, sur qui la mort n’a plus aucun pouvoir, que nous ressusciterons, âme et corps transfigurés. Et nous anticipons déjà cet état dans notre condition présente par notre victoire sur le mal et le péché.