Il y a un paradoxe dans l’Ecriture : Jésus annonce un royaume qui n’est pas de ce monde mais se sert très souvent de comparaisons tirées de la vie économique et financière. Ce raisonnement économique, porté par Jésus au bout de sa logique, conduit à un paradoxe : si vous voulez investir dans ce qui a vraiment une valeur durable, ce ne peut être que dans ce qui dépasse infiniment toute autre réalité, la vie infinie en Dieu.
Sur cette base évangélique, nous pouvons avec plus de sûreté réfléchir. La Doctrine sociale de l’Eglise nous fournit ici des repères : la libre action des personnes est, en matière économique, un bien et un devoir. La propriété privée en est l’instrument indispensable, qu’il faudrait généraliser plus que limiter. La subsidiarité devrait conduire à limiter l’action de l’Etat dans sa sphère de légitimité, celle du Bien commun de la société toute entière.
Ce qui a plusieurs conséquences concrètes. La propriété est donc ordonnée à la destination individuelle des biens : nous sommes responsables devant Dieu de l’usage libre de nos biens. Le marché n’est donc pas l’indice suprême de la valeur : ce n’est que le moyen de mesurer la valeur d’échange à un moment donné.
Apparaît alors une position originale pour le chrétien : loin de renvoyer dos à dos libéralisme et socialisme au nom d’on ne sait quelle utopie, il reconnaît que ce qui fait le sens de la vie économique, c’est l’orientation donnée par chacun à son action. Préférant donc une économie de liberté, d’autonomie et d’entreprise, il ne saurait admettre l’arbitraire dans les orientations individuelles, comme le proclame la théorie libérale classique. Concrètement, nous sommes moralement responsables de nos biens. Nous n’avons pas à en rougir, mais nous devons les utiliser pour le bien de tous sans exclusive.
C’est à la fois un choix majeur, et une des responsabilités essentielles que nous avons à assumer en toute conscience, sans culpabilisation indue. Car si ce que nous faisons de nos biens matériels est l’une des dimensions principales de notre vie collective, de notre comportement envers nos frères, ce n’est qu’une figure transitoire, comme tout ce qui est de ce monde. Le royaume de Dieu se crée petit à petit dans chacune de nos actions ; mais ce n’est pas en ce monde, par le fait même de l’activité humaine, économique en particulier : c’est dans la signification de chaque acte aux yeux de Dieu. L’économie n’est qu’un domaine auxiliaire, une aide pour la réalisation de ce qui la dépasse infiniment.
Alors, que faire concrètement ? D’abord prier, et prendre pleine conscience de notre position, de ce que demande notre devoir d’état : notre famille, notre rôle dans la société. Puis donner à ceux que la Providence a mis sur notre chemin. Combien ? Au minimum à mon sens, la dîme, d’origine biblique et longtemps pratique commune de la chrétienté, soit 10% de nos revenus (après impôts) : une hygiène de départ. Au-delà, c’est notre responsabilité : donner et donc aider ? investir et créer des emplois ? favoriser la création, la recherche, le savoir ou les arts ? A chacun de voir ce que la Providence attend de lui… »
Pierre de Lauzun
(P. de Lauzun interviendra à la paroisse le vendredi 4 octobre, à 13h dans la crypte de l’église, lors de la réunion pastorale à destination des professionnels qui travaillent dans notre quartier)
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