Les prostituées, les publicains vous précèdent au Royaume des cieux

Homélie du 27 septembre 2020, 26ème dimanche du temps ordinaire : « Les prostituées, les publicains, c’est-à-dire les pécheurs publics qui étaient tenus au ban de la société religieuse, vous précèdent dans le royaume des cieux » Alors comment comprendre cette Parole de Jésus ?

Frères et sœurs, demandez à Dieu qu’Il m’inspire lui-même, qu’Il inspire ma parole, qu’Il vous inspire dans votre écoute pour que ce temps soit profitable pour vous.

« Les prostituées, les publicains, c’est-à-dire les pécheurs publics qui étaient tenus au ban de la société religieuse, vous précèdent dans le royaume des cieux », dit Jésus aux grands prêtres, aux anciens, ceux qui représentent l’establishment religieux de l’époque, ceux qui savent, ceux qui sont sensés être plus avancés dans les voies de Dieu.

Alors comment comprendre cette Parole de Jésus ? Souvent, nous la comprenons de travers.  Il s’agit bien de ceux, celles qui se sont convertis à la parole de saint Jean le Baptiste qui leur demandait dans son baptême au Jourdain de changer de mentalité, de revenir, de se convertir, de changer de façon de vivre pour revenir dans les voies du Seigneur.  Ce sont ceux-là qui nous précèdent dans le royaume des cieux.

essayons de comprendre pourquoi cette préséance de ces pécheurs, de ces pécheresses qui se sont convertis et qui nous précèdent

En fait, pour le comprendre, il faut nous arrêter un moment à nos façons de faire. Habituellement nous comptons !  1, …, 10, 100, 1000, …1 million, nous comptons, nous additionnons. C’est normal, nous comptons parce que nous sommes prévoyants, parce que nous faisons attention à la manière dont nous dépensons, et que nous prévoyons pour nos enfants, parfois pour nos petits-enfants. Et puis, parce que nous sommes en face d’une crise importante qui pourrait très bien se transformer en une catastrophe économique, nous comptons parce que demain nous pouvons être au chômage. De même que nos enfants ou ceux qui arrivent comme primo-accédants sur le marché du travail ont bien du mal, je le sais car j’accompagne beaucoup de jeunes, lorsqu’ils sortent de leurs études à trouver du travail dans les conditions actuelles.

Nous comptons et nous avons raison de le faire : 85 milliards d’euros ont été épargnés, en épargne de précaution dans les mois qui précèdent par les Français. Et l’on voit bien que cet esprit de précaution peut vite devenir un poids et un frein à l’investissement, un frein dans le fait d’aller résolument sur les chemins de l’avenir, sans se cantonner dans un repli, sans oser aller de l’avant. Il y a dans le fait de compter, parfois, un élément qui nous arrête, qui nous interdit de penser au-delà des chiffres.  Et voilà le drame :  parce que Dieu Lui ne compte pas.

Dieu ne compte pas

Dieu est une source intarissable, elle n’est ni mesurable, ni quantifiable.  Et c’est ce que les grands pécheurs ont expérimenté.

Je vais vous faire part de mon expérience personnelle comme confesseur

Bien sûr, vous vous en doutez, j’ai reçu depuis 25 ans, des hommes et des femmes qui avaient commis des choses très mal. Ce qui m’a toujours frappé, voyez-vous c’est qu’ils étaient très sobres dans ce qu’ils disaient.  Ils ne faisaient pas une longue liste. Ils disaient une dizaine de choses graves, importantes qui les avaient blessés, détruits, profondément marqués, dans leur existence, dans leur conscience.  Mais ce n’est pas tant cela qu’ils quantifiaient : ce qu’ils quantifiaient, c’était le chemin que Dieu avait fait pour venir jusqu’à eux.  Et ce chemin pour eux était infini, leur semblait infini et en tout cas incomparable avec leur chemin de détresse, leur chemin de ruine, leur chemin de péché. Ils voyaient clairement le chemin que Dieu avait pris pour arriver jusqu’au fond de leurs ténèbres. Et ils concevaient que ce chemin de Dieu était en vérité un chemin de croix. Le chemin de croix du Christ n’est pas un vain mot. C’est le chemin de Dieu qui vient jusqu’à nous et qui nous précède.  Car c’est le terme d’une conscience chrétienne éveillée à l’amour de Dieu de savoir que Dieu est toujours là avant moi, avant mon péché, avant mes actes vertueux. En vérité, si les publicains et les prostituées nous précèdent dans le royaume de Dieu, c’est qu’ils ont bien compris que Dieu lui-même les précédait, qu’Il était là au cœur de leur détresse et de leur malheur et qu’Il les guérissait.

Aujourd’hui, il ne fait pas de doute qu’il y a un retour de la moralité

On voit cela. Des jeunes qui ne savent plus trop où aller, à qui demander, quoi faire. Comment se comporter ? que dit-on ? que fait-on ? est-ce bien, est-ce mal d’agir de cette manière ? Certains sont jetés dans un tel maëlstrom de pratiques tellement repoussantes qu’ils ne savent même plus discerner ce qui est bien et ce qui est mal. Ils sont poussés au gré des vents, des habitudes, des lieux communs, de ce qu’on leur dit de faire. Il y a un vrai besoin de moralité, une vraie demande de moralité. Alors, ce n’est pas nouveau. Le christianisme n’est pas une religion de moralité, bien qu’elle comporte un aspect moral dans ce qu’elle dit évidemment.  On peut être moral en suivant les préceptes de Sénèque, ou du stoïcisme de Cicéron, ou en lisant le philosophe Comte Sponville dans son « petit traité des grandes vertus » où il passe en revue les grandes vertus. Ce n’est pas très compliqué. La difficulté c’est que pour être bon, il ne suffit pas d’être moral.  Ce que nous chrétiens avons compris, c’est qu’il y a une source de la bonté qui est Dieu. Le prophète Jérémie au chapitre 2 fait parler Dieu et Il dit ceci en parlant de son peuple : « Ils se sont creusé des citernes lézardées pour y mettre de l’eau qui a croupi et ils se sont détournés de Moi : la source d’eau vivifiante ».

Pour que nous puissions, pour que notre société puisse retrouver les chemins de la vérité, le goût de la vérité, le goût de la bonté, le goût de la beauté, de la tendresse, de l’amitié, de la fidélité, il ne fait pas de doute qu’il faudra que nous venions puiser à cette source intarissable de bonté que les pécheurs avant nous ont découverte, en eux.

Amen

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