Y a-t-il parmi nous beaucoup de pêcheurs ?

Y a-t-il parmi nous beaucoup de pêcheurs ? Moi je ne le suis pas. Et vous ? Êtes-vous pêcheurs ?

Pour lever toute ambiguïté, que le style oral de cette homélie pourrait créer en vous, vous avez, bien-entendu, compris que comme l’évangile je parle des pêcheurs de poissons, alors que sans doute les plus spirituels d’entre vous auront entendu tout de suite le sens de pécheur qui attend le pardon du Seigneur.

 

Sommes-nous capables aujourd’hui d’aller à la pêche avec Jésus ?

L’Evangile se soucie et nous parle d’eux. Il les situe en un espace certes large mais limité toutefois aux berges du lac de Genesareth (dit de Galilée).

Qu’est-ce qui apparaît pour nous, dans cet épisode où Jésus va à la rencontre de ceux qui travaillent, qui se fatiguent, qui sont dans la peine et ne voient pas les résultats immédiats de leur labeur.

La première chose que nous entendons c’est la nécessaire sensibilité, la nécessité d’écouter et d’accueillir la parole.

C’est  la Parole de Dieu que nous voulons entendre. C’est elle que nous méditons, car annoncer l’évangile du règne de Dieu (Lc 4, 43) est une véritable aventure à laquelle nous sommes conviés.

Pour bien entrer dans ce mystère, dans cette attitude qui nous appelle à aller de l’avant, Jésus rencontre ceux qui sont à la peine, dans leur travail de pêcheurs de poissons.

Voici la pêche miraculeuse. Première pêche miraculeuse évoquée dans l’évangile, ici chez saint Luc, (5, 4-7) comme on peut le lire aussi en saint Matthieu.

Saint Augustin commentant cet évangile dit :

Ils jettent les filets et prennent une telle quantité de poissons qu’ils en remplissent deux barques et que les filets menacent de se déchirer. Jésus leur dit alors : Venez à ma suite et je vous ferai pêcheurs d’hommes (Mt 4,19). Le Seigneur leur donne les filets de la Parole de Dieu. Ceux que l’on jette et qui permettent de recueillir ce qui fait la vie du monde. Ils les jettent dans le monde, comme une multitude de chrétiens dont le nombre peut nous stupéfier. Mais c’est l’évocation de l’Église de ce temps, un grand nombre de bons et de mauvais chrétiens lui sont à charge. C’est peu de lui être à charge : ils risquent de faire rompre les filets

St Augustin, Sermon 248, 1-2

 

Jésus convie les pêcheurs à jeter les filets et à refaire le geste qu’ils ont fait maintes fois, sans jamais ramener à eux ce qu’ils pensaient être le fruit légitime de leur travail.

Cette image importante est une évocation spirituelle qui doit nous aider à dire : Quelle est mon espérance ?

Quand je consacre tant et tant d’énergie et que je n’arrive pas à obtenir le fruit de mon travail et de mon investissement, l’adéquation entre mon espérance et ce que je reçois, suis-je toujours capable de répondre à l’appel du Seigneur?

S’il me convie, comme il a convié les apôtres, à marcher à sa suite, à refaire un geste maintes fois accompli, suis-je disponible, disposé ?

 

Suivre Jésus (5, 8-11)

Les consacrés souhaitent répondre à cette invitation, que nous essayons de vivre au jour le jour, ce n’est pas toujours facile. Mais nous l’envisageons dans l’espérance et le soutien mutuel. Dans l’évangile ils sont trois Pierre, Jacques et Jean que nous verrons associés à d’autres moments importants de la vie de Jésus. Ensemble, ils sont conviés, ramenés sur leur barque, embarqués et appelés à accomplir ce geste dont le Seigneur leur donne beaucoup de fruits.

Dans la vie religieuse, c’est pareil, un/une , deux, trois , quatre sont appelés, conviés à vivre ensemble, à œuvrer de concert, et peuvent ainsi accomplir notre mission. Mais cela n’est pas réservé aux seuls consacrés.

Nous sommes tous appelés à embarquer avec le Christ qui ne nous demande pas nos papiers. Il ne nous dit pas ce qu’il faut accomplir en fonction de nos qualités. Non, il nous lance un appel. Il faut suivre Jésus ! Nous entendons cette phrase célèbre du « Avance au large »  « Duc in altum ».

Comme le disait Jean Paul II dans sa lettre “Novo millenio ineunte (6 janvier 2001), nous sommes invités « à faire mémoire avec gratitude du passé, à vivre avec passion le présent, à nous ouvrir avec confiance à l’avenir. “Jésus Christ est le même, hier et aujourd’hui, il le sera à jamais” (He 13,8) ».

Quel était le passé des apôtres ? La nuit passée à ne rien faire. Quel est leur présent ? L’invitation de Jésus. Quel est leur avenir ? Justement la mission qu’ils recevront. Nous vivons tous ces étapes-là. Parfois un passé qui nous désespère, un présent qui nous inquiète et un avenir que nous n’arrivons pas à discerner.

 

Par rapport à ces trois regards, portons-nous la même attention que le Christ sur l’espérance que nous pouvons avoir ensemble, afin de pouvoir aller plus au large, embarqués avec lui ?

Dans l’évangile, la pêche miraculeuse se répète.

Il y a une autre fois où Jésus conduit ses apôtres à pêcher de nouveau des poissons. C’est celle que nous voyons après la résurrection (Jn 21, 6-14).

Deux fois les disciples se mirent à pêcher sur commandement du Seigneur : une première fois avant la passion et une autre après la résurrection. Dans les deux pêches est représentée l’Église entière : l’Église comme elle est aujourd’hui et comme elle sera après la résurrection des morts. Aujourd’hui, elle accueille une multitude impossible à dénombrer, qui inclut les bons et les mauvais ; après la résurrection elle n’inclura que les bons

St Augustin, Discours 248, 1

Les bons, où nous serons, puisque nous sommes certes pécheurs, mais pécheurs pardonnés.

Nous avons besoin de réentendre la lettre de saint Paul aux Corinthiens où il refait mémoire de chaque étape comme d’un credo de celui en qui nous croyons ; de celui qui est venu parmi nous, de celui qui a appelé ses apôtres, de celui qui a souffert sa passion avant d’être libéré de la mort par sa résurrection.

Il est besoin de nous dire comme saint Paul :

Comment nous situons-nous? Comment agissons-nous ? Comment nous mettons-nous face au Christ ressuscité ? Avec humilité, comme le dit saint Paul

« je suis le plus petit des Apôtres, je ne suis pas digne d’être appelé Apôtre. Mais ce que je suis, je le suis par la grâce de Dieu ».

Pouvons-nous reprendre ces paroles pour nous-mêmes ?

Humblement nous sommes devant lui, mais nous savons que tout ce que nous pourrons accomplir c’est par pure grâce, par invitation, par stimulation que le Seigneur nous donne.

« Avance au large », disait-il, va plus loin, déploie tes talents, ne garde pas pour toi ce que tu as reçu.

Nous savons aussi, que nous soyons consacré(e)s, laïcs, religieux, religieuses, prêtres, nous tous baptisés que nous avons besoin de monter dans la barque avec le Seigneur, et que nous en tirerons un grand profit.

L’image de la barque doit aussi nous guider à supporter parfois certaines incertitudes.

Comme les pêcheurs sur la rive, Pierre, Jacques et Jean, nous sommes assurés d’avoir les pieds sur le sol, tenant les filets à pieds secs, sur la terre ferme, malgré le regret de ne pas avoir eu ce qu’on espérait,.

Embarquer avec le Seigneur, c’est redécouvrir que notre assise peut être difficile, que l’équilibre n’est pas forcément toujours gardé. Si l’on veut avancer, aller plus au large, il faut accepter d’être dans un instant, dans un support instable, dans un véhicule, qui peuvent nous déstabiliser.

Nous avons suffisamment éprouvé, certains d’entre nous plus que d’autres, combien certaines périodes agitées peuvent nous déstabiliser intérieurement.

 

Mais trouvons-nous le cap avec le Seigneur ?

Sommes-nous capables d’aller plus loin avec lui et d’être apaisés en partageant avec lui cette mission ?
En regardant l’apôtre Paul, nous pouvons faire nôtres ses paroles, non pas avec fausse modestie mais avec une vraie fierté de se placer dans sa lignée.

Saint Paul se dit l’avorton. C’est d’ailleurs le titre que prendra Alain Decaux pour intituler la biographie qu’il a rédigée. Je vous invite à la lire, ou bien celle de Marie-Françoise Baslez, historienne récemment décédée, spécialiste de saint Paul et du christianisme primitif.

Paul, qui n’a pas été appelé directement par Jésus de son vivant, puisqu’il n’était pas au bord du lac de Galilée. Mais il a connu profondément cette conversion et peut affirmer après sa conversion :

« Ce que je suis, je le suis par la grâce de Dieu. Et sa grâce venant en moi, n’a pas été stérile ». Elle n’a pas été sans porter de fruit et sans créer de l’abondance, comme lorsque les apôtres ont tiré les poissons du lac.

Au cours de notre vie, nous sommes invités nous aussi à suivre le Christ, à embarquer avec lui et à aller au large.

Jésus, Fils de Dieu, en qui demeure la plénitude de la divinité, Tu nous appelles, nous tous les baptisés “à avancer au large”, en parcourant le chemin de la sainteté. Suscite dans nos cœurs le désir d’être des témoins de la puissance de ton amour dans le monde d’aujourd’hui. Remplis-nous de ton Esprit de force et de prudence, pour que nous soyons capables de découvrir la pleine vérité sur nous-mêmes et notre vocation propre. Amen

à Partir de la prière pour les vocations de Jean-Paul II en 2005

 

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