ALORS QUE LA FRANCE CONNAIT DES EMEUTES QUE PEUT DIRE L’ÉGLISE ?

L’Église n’a pas de solutions techniques à offrir et ne prétend « aucunement s’immiscer dans la politique des États ». Elle a toutefois une mission de vérité à remplir, en tout temps et en toutes circonstances, en faveur d’une société à la mesure de l’homme, de sa dignité et de sa vocation. Sans vérité, on aboutit à une vision empirique et sceptique de la vie, incapable de discerner le vrai du faux, l’accessoire de l’essentiel, ce qui sert l’intérêt particulier et partisan et ce qui sert le bien commun, c’est-à-dire le bien de tous.

Quelques règles de discernement politique

Voici quelques règles de discernement politique établies par l’Église pour aider à un meilleur gouvernement et à des choix qui favorisent le développement d’un humanisme intégral, qui prend en compte toute l’humanité et chacun de ses membres.

Ce développement intégral est conçu par l’Église comme un appel de Dieu à toute l’humanité et à chaque homme.

La réponse à cet appel est conditionnée par trois principes

  1. Le principe de responsabilité personnelle.

Il n’y a pas de liberté sans responsabilité. Aucune structure de gouvernement ne peut garantir le développement intégral de l’humanité en dehors et au-dessus de la responsabilité humaine. Tous les « messianismes sont prometteurs, mais bâtisseurs d’illusions » tant qu’ils ne favorisent pas la libre réponse de l’humanité. Le Messie que nous annonçons a voulu que nous lui donnions une réponse personnelle et libre. Lorsque je baptise, les portes de Saint-Pierre de Chaillot sont ouvertes et chaque visiteur peut entendre les parents demander librement le baptême pour leur enfant. Il en va de même des mariés qui expriment leur intention de consentir l’un à l’autre dans l’alliance du mariage. L’Église invite toujours publiquement les appelés à manifester la liberté de leurs réponses. Nul n’est contraint à répondre au Christ.

  1. Le principe de vérité.

Outre la liberté, le développement intégral de l’homme comme vocation exige aussi qu’on en respecte la vérité. La vérité du développement réside dans son intégralité : s’il ne concerne pas la totalité de l’homme, le développement n’est pas un vrai développement. Tel est le centre du message de Populorum progressio[1], valable aujourd’hui et toujours. L’aliénation de l’homme ne consiste pas en sa libre disponibilité à Dieu, mais en son refus. Le culte de l’ego, de la puissance, de l’indifférenciation, ne peut entrer en comparaison avec le culte du Dieu qui appelle à la vérité, plutôt qu’au mensonge, à la générosité plutôt qu’à la radinerie, à l’esprit de sacrifice plutôt qu’à l’égoïsme. Sans vérité, sans confiance et sans amour du vrai, il n’y a pas de conscience ni de responsabilité sociale, et l’agir social devient la proie d’intérêts privés et de logiques de pouvoir, qui ont pour effets d’entraîner la désagrégation de la société, et cela d’autant plus dans une société en voie de mondialisation et dans les moments difficiles comme ceux que nous connaissons actuellement.

  1. Le principe de subsidiarité.

C’est le contraire de l’autoritarisme. Il faut beaucoup de charité pour faire confiance à celui qui nous est inférieur en rang, ou en compétence, mais qui, étant donné sa dignité, mérite qu’on lui fasse confiance. Je ne fais pas le ménage dans l’église. Je ne dicte pas les lettres que doit envoyer la secrétaire. Je ne fais pas les devoirs à la place de mes petits neveux. Et je laisse à mes étudiants formés, la liberté d’évaluer la qualité de mes recherches et de mon enseignement. La subsidiarité respecte la dignité de la personne en qui elle voit un sujet toujours capable de donner quelque chose aux autres. En reconnaissant que la réciprocité fonde la constitution intime de l’être humain, la subsidiarité est l’antidote le plus efficace contre toute forme d’assistance paternaliste. Dans l’encyclique Caritas in veritate, le pape Benoît XVI étendait le principe de subsidiarité à l’ordre mondial. Je le cite : « Pour ne pas engendrer un dangereux pouvoir universel de type monocratique, la « gouvernance » de la mondialisation doit être de nature subsidiaire, articulée à de multiples niveaux et sur divers plans qui collaborent entre eux. La mondialisation réclame certainement une autorité, puisque est en jeu le problème du bien commun qu’il faut poursuivre ensemble ; cependant cette autorité devra être exercée de manière subsidiaire et polyarchique pour, d’une part, ne pas porter atteinte à la liberté et, d’autre part, être concrètement efficace. »

Ce qui vaut d’un point de vue mondial, vaut aussi dans notre manière de nous gouverner personnellement. Lorsque nous nions la liberté, nous transformons notre existence en un tragique suspendu à une destinée écrite ailleurs. Mais où et par qui ? Personne ne décide à notre place. Et si nous sommes dans un réseau d’influences qui peuvent incurver notre responsabilité, ce réseau ne peut, sans danger pour nous, marchander notre liberté. La vérité n’est pas plus achetable.

Chers frères et sœurs, rassemblons ces trois principes de l’enseignement de l’Église : la responsabilité, la vérité et la subsidiarité. Mettons-les ensemble. Mettons-les en œuvre dans nos existences. Et que nos gouvernants s’en inspirent.

Pour le bien de tous, poursuivi pour tous et par tous.

Père Ollier.

[1] Encyclique sur le développement humain et la notion chrétienne de progrès donnée par le pape Paul VI en 1967.

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