Frères et Sœurs,
Il y a quelques années, au moment du Covid, nous nous mettions périodiquement à nos fenêtres pour applaudir les aidants inconnus.
La Toussaint, c’est un peu cela : nous nous réjouissons pour les chrétiens, connus ou pas, qui ont su aimer le Christ et répandre son amour. C’est bien !
Mais il y existe un petit risque d’hypocrisie, si, tout en applaudissant, nous nous disons ; je n’en ferai pas autant !
En fait, il faut le dire, la Toussaint est une provocation. Le Christ vient nous provoquer en disant à chacun de nous, sois saint comme je suis saint !
Je sais que la plupart d’entre vous, vous pensez que vous n’êtes pas faits pour être saints. Permettez-moi de penser que votre réaction est plutôt un bon signe. Mais permettez-moi aussi d’insister.
Je pense que la fête d’aujourd’hui nous invite à relever trois défis.
Le défi de la soif de Dieu !
Jésus ne nous demande pas d’aller à la messe tous les dimanches ni même de payer le denier de l’Eglise : je pense que vous le faites et je m’en réjouis. Mais si c’est nécessaire, ce n’est pas suffisant : pour être saint il faut avoir soif de Dieu. Soif de sa paix. Soif de sa justice. Soif de sa douceur et de sa vérité. Soif à hurler devant le mensonge, la méchanceté, l’injustice et la violence. La première lecture, celle de l’Apocalypse nous a évoqué les martyrs de l’empereur Domitien ; ils ont témoigné de leur soif de Dieu jusqu’au sang. Notre monde est difficile mais il est peu probable que nous risquions notre vie à cause de l’Evangile. Mais il nous faudrait avoir soif de Dieu au point de risquer nos carrières, nos conforts ou nos amitiés !
Le défi de la communauté !
Nous avons chanté un psaume qui est une sorte de chant de procession vers le Temple de Jérusalem. Vous allez entendre tout à l’heure, la préface de la Toussaint qui rendra grâce pour la marche ensemble, le grand rassemblement de la Jérusalem céleste. Je ne suis pas sûr que nous rêvions de grands rassemblements au point que cela nous motive pour changer de vie : nous avons appris à aimer notre autonomie ! Pour autant nous appartenons à un pays, à une cité, à des groupes, à une Église, à une famille et l’appel à la sainteté nous pousse à y trouver notre juste place, à savoir marcher ensemble. Le marcher ensemble se nomme synodalité. C’est un appel de l’Evangile. Il n’y a pas de saint tout seul.
Le défi de la miséricorde !
“Heureux les miséricordieux !” Dans le mot miséricorde, il y a le mot misère et le mot cœur. Avoir un cœur ouvert à la misère. Je n’ai pas encore correctement lu la dernière encyclique du Pape sur le cœur de Jésus. (Dilexit nos) Il appelle clairement à avoir du cœur, c’est-à-dire du courage, de l’intelligence et de la sensibilité, une capacité à vibrer aux souffrances des autres. Il nous dit que c’est très bien le progrès, la technique, mais qu’il n’y aura pas de progrès véritable, s’il n’y a pas un engagement à la rencontre à cœur ouvert. Nous sommes appelés enfants de Dieu, et nous le sommes. Il nous faut apprendre à aimer comme notre Père aime. Il est bon de vouloir être organisé et efficace mais il nous faut accepter le temps de la rencontre. Soyons capables d’aimer, en étant présents aux autres. Il n’y a pas de miséricorde sans présence à l’autre. Il n’y a pas de sainteté sans capacité de rencontre. Etre saint c’est savoir rencontrer !
J’imagine que chaque matin, en vous regardant dans la glace, vous ne vous dites pas : je suis en face d’un saint ou d’une sainte. Vous avez doublement tort car, d’une part c’est ainsi que Dieu vous regarde et vous attend mais, d’autre part, si vous pensez que vous ne pouvez pas être saint c’est que vous comptez sur vos propres forces ! Comme vous, Dieu voit bien qu’il y a encore quelques copeaux à enlever pour que votre statue soit réussie. Mais c’est lui le sculpteur ! Laissons-nous faire ! Demandons-lui de nous donner de l’élan et comptons sur l’appui des saints comme cela a été exprimé dans la prière d’ouverture.
Monsieur Chouraqui, un israélite qui a traduit les Béatitudes a remplacé « heureux les pauvres » par « en marche les humiliés du souffle ».
II n’y a pas de bonheur possible sans se mettre en marche.
C’est très bien de fêter les saints et il faut les fêter ! Mais il faut leur demander le courage d’avancer.
En avant !
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