DE QUOI PARLIEZ-VOUS ?
Frères et sœurs, de quoi avez-vous parlé cette semaine ?
De la composition du gouvernement ? De l’exposition Borghèse au Musée Jacquemart-André ? De soucis familiaux ? De la rentrée ? Du concept de vérité dans la philosophie actuelle ? Du prix de l’essence ? De la victoire de Nice sur Saint-Étienne ? De votre travail ?
De quoi parliez-vous?
Au fond, c’est la question que Jésus nous pose aujourd’hui. Il la pose à ses apôtres, et ses apôtres restent silencieux, sans doute parce que, si comme eux, nous étions devant Jésus, ce que nous avons dit cette semaine, pourrait nous sembler un peu futile.
Je n’arrive pas à imaginer que votre conversation ait ressemblé à celle rapportée dans la première lecture… Mais je peux penser qu’elle a quelquefois pu vous donner le beau rôle et en tout cas qu’elle a été ce mélange de futilité et de choses sérieuses qui nous permet d’être en relation avec ceux qui nous entourent.
De quoi parliez-vous ?
Voici que Jésus veut entrer dans la conversation. Devant lui, il nous semble difficile de répéter les choses sans réelle importance qui nous avaient préoccupés.
Et cela d’autant plus que, lui veut établir une relation vraie.
Il est en pleine difficulté. Il a échoué. Il marche vers la mort et il le sait.
Ses disciples le sentent et cela les intimide. Il est difficile d’accueillir en vérité quelqu’un en pleine souffrance. Devant quelqu’un qui souffre, ce n’est pas très facile de savoir ce que l’on dit.
Ils ont eu le même réflexe que celui que nous pouvons avoir, en préférant parler des bons côtés, positifs.
Parler des côtés positifs, c’était assez facile pour eux : ils savent la grandeur de Jésus. Certains d’entre eux viennent de vivre la Transfiguration, ils ont vu Jésus dans sa gloire. Ils savent. Tous l’aiment, ils ont marché avec lui parce qu’il faisait des miracles, parce qu’il guérissait. Ils pensent, ils croient qu’il est le Messie. Le Messie était là pour signifier la gloire de Dieu. Ce titre les fait rêver de gloire, de décoration. Et pour la gloire, ils sont prêts à se battre. Ils sont prêts à beaucoup donner.
Jésus ne les blâme pas. Mais ce n’est pas ce qu’il veut.
Il veut une relation vraie, une véritable rencontre avec ce qu’il est, dans sa force et sa faiblesse. Il leur demande de l’accueillir et de l’accueillir en vérité.
Nous avons tous fait l’expérience de moments de relation vraie, c’est ce que demande Jésus. Et pour le signifier, il appelle un enfant et il le met au milieu d’eux. Il leur dit : “ Accueillez-moi, comme on accueille un enfant.”
C’est évidemment un peu difficile de savoir comment on accueillait un enfant au temps des juifs, à un moment où dans l’empire, les parents avaient droit de vie et de mort sur leurs enfants. Avant la Bar Mitsva, un jeune juif n’avait aucun droit, aucun pouvoir. Son opinion ne comptait pas, sa seule identité était d’appartenir à ses parents.
Accueillir comme on accueille un enfant.
Certes il faut s’occuper de lui, en quelque sorte le servir, mais ce dont il a besoin dans sa fragilité, c’est d’amour. D’un amour gratuit. Vous pouvez faire beaucoup de choses pour un enfant, si vous ne l’aimez pas, cet enfant ne sera pas heureux. Et au fond c’est ce que Jésus signifie en l’embrassant. Jésus supplie qu’on l’accueille, comme on accueille un enfant, c’est-à-dire sans craindre son opinion, sans craindre qu’il nous fasse des remarques, gratuitement. Il demande simplement d’être aimé avec ses forces et ses faiblesses, totalement, gratuitement. Et il dit : “ si vous faites cela, c’est Dieu que vous accueillez. Si vous êtes capables de cet amour gratuit, c’est Dieu que vous accueillez.” Et il nous dit aussi que c’est ainsi que l’on doit s’aimer les uns les autres.
Au fond, l’Evangile est résumé quand Jésus dira à Pierre : “Pierre, m’aimes-tu ?
Aujourd’hui, la question est posée à chacun d’entre nous dans ces textes : “Est-ce que tu m’aimes ?”
Aimons-nous vraiment ? Gratuitement ?
La réponse est probablement que nous aimerions aimer mais que nous ne savons pas bien. Est-ce que nous savons aimer Dieu, aimer nos frères ?
Et la deuxième lecture nous interroge ; probablement nous ne nous sentons pas capables d’aimer, mais l’avons-nous demandé ? Avons-nous demandé la grâce d’aimer ?
Au seuil de cette nouvelle année scolaire, n’est-ce pas une des urgences ?
De demander au Seigneur de l’accueillir comme on accueille un enfant.
De quoi parliez-vous en chemin ?
Dans la banalité de nos jours, demandons la grâce de savoir aimer et de savoir le manifester pour que cet amour rejaillisse même dans nos conversations les plus banales.
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