« Où est la charité, là est la paix, et où se rencontre l’humilité, on trouve la charité »
Saint Augustin, In Iohannis epistulam 1,1
Nous nous réjouissons de l’élection rapide du successeur de Pierre, le pape Léon XIV. Je fais écho ici à ses premières paroles au balcon de la loggia : « la pace sia con voi ». La paix soit avec vous. En rappelant cette salutation du Christ ressuscité à ses apôtres, le pape manifeste son intention de donner la primauté au Christ, comme il l’a dit hier aux cardinaux en esquissant en 4 points son programme : 1. La primauté du Christ ; 2. L’élan missionnaire de toute l’Église ; 3. l’attention affectueuse aux plus petits ; 4. La réponse au défi de la révolution numérique.
Le conclave a souhaité un pasteur qui fasse l’unité. Dès lors, il n’est pas étonnant qu’il ait élu un religieux augustin au siège de Pierre.
Saint Augustin fut, en effet, un infatigable promoteur de l’unité dans un temps de schisme. Une bonne partie de l’Église d’Afrique au IVème siècle, refusait que soient accueillis dans l’Église des chrétiens qui avaient apostasié. Augustin voulut et fit l’unité avec eux. Comment s’y prit-il ?
- « Où est la charité, là est la paix »
Eh bien, aussi étonnant que cela puisse paraître, il ne s’adressa pas seulement aux chrétiens qui étaient sortis de l’Église, mais aussi et d’abord à ceux du dedans. Il leur disait : si vous voulez être fidèles à la volonté du Christ de faire son Église une, vous devez favoriser entre vous la paix. Vous devez créer un environnement qui permette à la paix de naître, de prospérer, de se garder. Et il ajoutait : Cet environnement, c’est la charité. Sans la charité, il n’y a point de paix. Sans la charité, c’est l’esprit de haine et de vengeance qui prospère et mûrit.
Comme l’écrivait l’apôtre Paul :
la charité ne s’emporte pas ; elle n’entretient pas de rancune ; elle ne se réjouit pas de ce qui est injuste, mais elle trouve sa joie dans ce qui est vrai ; elle supporte tout, elle fait confiance en tout, elle espère tout, elle endure tout. La charité ne passera jamais.
(1ère épître aux Corinthiens 13, 5-8)
Chaque jour faire un acte de charité. Donner ce qui vous est cher : votre temps.
Prendre le temps d’un regard, d’une parole, d’un sourire. Visiter les malades, leur téléphoner. Se pencher sur toute pauvreté sans crainte. Les voir aussi, car il y a des pauvretés invisibles, des détresses silencieuses et des indigences muettes.
Chaque jour, sortir de soi-même pour aller vers l’autre, qui est parfois tout proche, très proche. Mon prochain. Ne serait-il pas dans ma famille ? Et parfois même il n’est pas mauvais de se faire à soi-même charité. Le Seigneur n’a-t-il pas dit : « tu aimeras ton prochain comme toi-même. » ? Qui ne s’aime pas bien ne peut que mal aimer son prochain. La règle d’or la voici : Ne pas s’aimer davantage que l’on aime son prochain. Ne pas aimer davantage son prochain que l’on s’aime soi-même.
Le milieu, l’environnement favorable à la paix, c’est la charité.
Mais saint Augustin conditionne immédiatement la charité à une autre qualité essentielle à ses yeux. La plus haute entre toute : l’humilité.
- « Où est l’humilité, là est la charité »
Saint Augustin poursuit son interrogation sur les conditions de la paix : nous l’avons vu, la première condition de la paix, c’est la charité. Mais la condition de la charité, quelle est-elle ? Saint Augustin répond : « Là où est l’humilité, là est la charité. “Ubi humilitas, ibi caritas”
Qu’est-ce que l’humilité ? C’est de ne pas s’obstiner.
Il en est qui ne veulent pas en démordre. Ils s’accrochent à leurs idées, leur volonté, ils ont toujours raison, même s’ils ont tort et ils le savent. Mais ils s’obstinent, ils grincent des dents, ils s’en tiennent coûte que coûte à ce qui leur paraît être une possession inaliénable comme si leur vie en dépendait.
L’humilité consiste parfois en rabattre sur ce que nous croyons être vrai. Un vieux père dominicain donnait, avec un peu d’humour, la définition suivante de l’intégrisme : l’intégrisme c’est de vouloir faire la volonté de Dieu, même si Dieu ne le veut pas. Il y a toute sorte d’intégrismes : intellectuel, politique, économique. L’intégrisme n’a qu’une vue. La sienne. L’humilité, au contraire, s’interroge. Elle s’interroge et interroge. « Pensez-vous qu’il en soit ainsi ? » « Accepteriez-vous que nous en discutions ? » La vérité est un chemin comme le Christ lui-même la définit : “je suis la vérité, le chemin et la vie”. C’est ce qu’on appelle en rhétorique un hendiadys, c’est-à-dire la désignation d’ une seule et même réalité par des termes différents qui appartiennent à des registres divers.
Ne pas s’obstiner, c’est un bon signe d’humilité.
Chaque jour, faisons preuve d’humilité dans nos dialogues, dans nos appréciations. J’en profite à ce sujet pour lever une petite difficulté que je rencontre parfois dans mes entretiens avec vous qui vous reprochez parfois de trop juger. Je me veux ici rassurant. Le jugement fait partie de la vie humaine ! Nous ne pourrions pas vivre si nous n’étions constamment en état critique d’apprécier le chemin à prendre. Nous devons choisir. Et un choix est toujours un jugement. Ce n’est pas juger qui est fautif. C’est de condamner. Efforçons nous en posant des actes d’humilité, chaque jour, de juger avec bienveillance et vérité, sans que notre jugement ne déborde en condamnation.
Et Vive le pape Léon !
Jacques Ollier
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