Homélie du 6 octobre 2024, Père Ollier

Au commencement

Chers frères et sœurs, en cette messe de rentrée, je voudrais en premier lieu, accueillir ceux qui nous rejoignent, ceux qui se sont installés dans notre quartier. A vous qui venez pour découvrir ou pour entendre, bienvenue dans cette communauté de foi, d’espérance. Communauté qui se rassemble chaque dimanche.

Je voudrais simplement au cours de cette homélie vous donner quelques points de réflexion.

 

On me demande souvent ce qu’il y a de nouveau à Saint-Pierre de Chaillot. Ce qu’il y a de nouveau cette année, vous l’entendrez à l’issue de cette célébration. Un jeune couple de la paroisse vous présentera les propositions qu’ils vont faire aux “Jeunes Pros” de notre quartier. Ils sont nombreux, en semaine, c’est vers eux que la proposition sera tournée.

 

Pour ce qui me concerne, je voudrais revenir à ce qu’il y a d’essentiel dans une paroisse. Je vous l’ai déjà dit, ce qu’il y a de nouveau et d’essentiel dans une paroisse, c’est ce qui a de l’avenir. Ce qu’il y a de vraiment nouveau, ce n’est pas l’inédit, ni ce que l’on n’a jamais vu, c’est ce qui  porte en soi un avenir. Là est la véritable nouveauté.

 

A chacune de nos messes, nous sommes reportés intérieurement à l’origine, au commencement.

C’est là une des vertus les plus éminentes de la messe. Nous reconduire à l’essentiel. A ce qui parut dès l’origine et qui perdure.

La pédagogie divine, dont nous suivons les lois, demande en effet qu’on aille chercher les choses « au commencement », qu’on aille ramasser notre être dans ses virtualités originelles.

A l’écoute du Verbe de Dieu qui était au commencement, par qui tout a été fait, donc nous aussi, moi, toi, chacun de vous, que Dieu a vu et créé de très loin, dans son intérieur et qu’il a fait paraître par la puissance de sa Parole. « Il dit et cela fut ».

Parole, Verbe qui dit et cela est. Qui dit et qui fait dans le même temps. Parole de Création.

C’est cette parole que nous écoutons à la messe.

Que nous laissons résonner en nous.

Que nous laissons faire en nous.

Qui, lentement, de dimanche en dimanche, nous édifie.

Ce Verbe, c’est le Fils de Dieu, établi héritier de toutes choses et par qui Dieu a créé les mondes. Rayonnement de la gloire de Dieu, expression parfaite de son être, le Fils porte l’univers par sa parole puissante. » (Épître aux Hébreux, ch. 1, 2)

Cette Parole nous entraîne à l’intérieur de nous-mêmes, pour que nous l’écoutions et nous laissions édifier par elle.

Et loin que cette Parole nous laisse à la dérive d’un passé lointain, elle nous permet de rendre possible un avenir.

C’est une bêtise qu’on nous serine que ce qui est d’hier serait non seulement dépassé, mais toxique. Mais tout ce qui est d’hier n’est pas obsolète. Et le marqueur absolu de la non obsolescence des choses du passé, c’est leur poids d’avenir.

Il revient aux maîtres d’en convaincre les élèves et les étudiants. Aux parents d’en persuader leurs enfants.

«‘Plus de maîtres’, proclamait l’un des slogans qui fleurissaient sur les murs de la Sorbonne en mai 1968. Les leçons des maîtres  peuvent-elles, doivent-elles survivre à l’offensive ? Je crois que oui, même si c’est sous des formes imprévisibles. Je crois qu’il le faut. La soif de connaissance, le besoin ardent de comprendre sont inscrits dans le meilleur des hommes et des femmes. Comme l’est la vocation d’enseignant. Il n’est de métier plus privilégié. Éveiller chez un autre être humain des pouvoirs, des rêves au-delà des siens ; induire chez d’autres l’amour de ce que l’on aime ; faire de son présent intérieur leur futur.

C’est une incomparable satisfaction que d’être le serviteur, le courrier de l’essentiel — Fût-ce à un humble niveau, celui du maître d’école, enseigner, bien enseigner, c’est se rendre complice du possible transcendant.

Une fois éveillé de son ignorance, cet enfant exaspérant du dernier rang peut conjecturer le théorème qui occupera des siècles. Une société, comme celle du profit débridé, qui n’honore pas ses maîtres est viciée. Mais là où des hommes et des femmes s’en vont nu-pieds en quête d’un maître, la force vive de l’esprit est préservée. [1]»

Chers frères et sœurs, tâchons de travailler cette semaine notre écoute. Écouter profondément un enfant, un adolescent, un jeune pro qui nous parlent. Sachons écouter entre les lignes. Sachons travailler à notre écoute, pour permettre précisément que soit libéré, chez notre interlocuteur, ce qui ne peut être libéré sans que nous ne lui fassions la grâce de notre attention.

Faire de son présent intérieur leur futur.

C’est ce que Dieu, en Maître de Vérité, fait pour nous en chaque eucharistie.

+p. Jacques Ollier

[1] Georges Steiner, Maîtres et disciples, Folio 2003, p. 185

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