Homélie du dimanche 10 novembre 2024, Père Ollier.

Hier, dans une conversation avec un ami prêtre, nous parlions des grands évènements qui se préparent dans notre diocèse, et en particulier de la réouverture de Notre Dame dans un peu moins d’un mois. Il y aura deux grands événements :

– le 7 décembre, le réveil du grand orgue. L’orgue sera « réveillé » en quelque sorte de sa torpeur par l’archevêque de Paris.

– le 8 décembre, à 10h30, il y aura une messe solennelle et la consécration de l’autel avec le Saint-Chrême. Je ne sais si vous avez déjà eu l’occasion de participer à une consécration d’autel, c’est très impressionnant. Le Saint-Chrême, le parfum très saint utilisé pour les baptêmes, pour les confirmations, pour les ordinations sacerdotales servira à consacrer l’autel. L’évêque imprègne l’autel de cette huile sainte.

Vous imaginez bien que tous les fidèles parisiens ne peuvent être invités à ces célébrations. Aussi, le diocèse a-t-il choisi d’inviter quelques représentants de chaque paroisse. Un jeune, accompagné d’un paroissien. J’ai choisi une jeune femme qui a été baptisée ici, l’année dernière et sa marraine. Elles participeront le samedi au réveil de l’orgue. Le dimanche 8, une famille de la paroisse participera à la messe solennelle.

Après avoir évoqué cet événement avec mon confrère prêtre, nous avons parlé de l’évangile du dimanche. Il me faisait remarquer deux choses.

D’abord qu’une lecture possible de cet évangile nous implique, nous, prêtres : “ Méfiez-vous des scribes, des savants qui tiennent à se promener en vêtements d’apparat et qui aiment les salutations sur les places publiques, les sièges d’honneur dans les synagogues, dans les dîners. Ils dévorent les biens des veuves et ils font de longues prières en public.”

C’est vrai qu’il y a un risque. Je ne vais pas insister là-dessus, car j’ai prêché cette semaine sur cela et sur le fait que, comme prêtres, nous devons être attentifs au risque d’apparence. Ce que l’on a pu appeler parfois le pharisaïsme. C’est la première chose que je fais lorsque je relis ma vie à la lumière de Dieu.

Je m’interroge : “Qu’est-ce que j’ai été pour vous, fidèle de Chaillot ? Un pasteur ? Ai-je bien fait pour vous ? Ai-je fait mon devoir d’état qui est d’être prêtre pour vous, chrétien, avec vous. Qui consiste à vous écouter, à vous consoler, à célébrer la messe, les sacrements, à être présent à vos côtés dans toutes les circonstances de votre vie.

Puis mon confrère m’a dit une deuxième chose que je trouve assez savoureuse. C’est que l’on peut faire une lecture différente de celle que l’on fait d’habitude de l’Évangile que vous avez entendu à l’instant. Lecture qui a été scandée d’une certaine manière et qui donne un sens à l’Évangile. Voilà ce que Jacques, notre diacre, a dit : “Amen, je vous le dis : cette pauvre veuve a mis dans le Trésor plus que tous les autres. Car tous, ils ont pris sur leur superflu, mais elle, elle a pris sur son indigence : elle a mis tout ce qu’elle possédait, tout ce qu’elle avait pour vivre.”

Mais on peut scander différemment cette phrase, ce qui lui donne un sens tout à fait nouveau.

“Elle a mis tout ce qu’elle possédait, tout ce qu’elle avait, pour vivre.” C’est la virgule qui change le sens. Elle a donné tout ce qu’elle avait [virgule], pour vivre ».

Frères et sœurs, voici la révolution de l’Évangile.

Non, pas accumuler pour pouvoir vivre, mais au contraire donner pour pouvoir vivre.

C’est la vérité de la vie. De notre vie naturelle. Et c’est une vérité plus grande encore de notre vie spirituelle que nous avons parfois du mal à comprendre.

Que pour vivre, afin de vivre, nous devons nous donner.

Et nous en avons l’exemple éminent, dans le Christ Jésus, qui s’est offert lui-même, et qui s’offre dans chaque eucharistie.

“Ceci est mon corps livré pour vous.”

Alors réfléchissez, frères et sœurs.

Quand, durant cette semaine passée, avez-vous pris le temps de vous donner ?

De donner, non pas simplement du matériel, mais donner du temps.

Donner de l’attention.

Donner de l’écoute.

Combien l’écoute, dans les familles, dans les couples, entre frères et sœurs, peut être un élément d’équilibre et d’harmonie !

Combien de temps avez-vous dépensé en service des autres?

Un coup de téléphone à une personne dont on sait qu’elle est malade, ou qu’elle vient de perdre un proche. Un petit mot !

Rendre visite à une personne malade dans le voisinage.

Voilà l’art de se donner.

Frères et sœurs, en quelques instants, revenons à notre cœur. Interrogeons-nous, interrogeons notre cœur, sur notre disponibilité à écouter, à rendre service, à donner le meilleur. Vous savez, lorsque l’on entre dans une chambre d’hôpital, il y a quelque chose, là, de très remarquable, que, en quelques instants, la relation, le lien peuvent ou non se faire, selon le degré de notre disposition à nous donner ou non. À être touché ou non. Dans la mesure même, où l’on part de très profond en soi, pour rejoindre la situation de celui, de celle que l’on rejoint, couché dans un lit d’hôpital, malade, recevant des soins quotidiens, éprouvant la faiblesse, la maladie, peut-être la mort. Si l’on vient avec quelques paroles de réconfort, c’est fichu. Non, il faut puiser dans les virtualités très profondes de son humanité et dans les virtualités spirituelles acquises à notre baptême et perfectionnées par notre habitude, pour rejoindre profondément ceux que nous écoutons et ceux auxquels nous voulons rendre le service de notre présence, qui est celle du Christ dont nous portons le Nom.

Amen

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