Par sa communion nous serons sauvés

3ème dimanche de Carême

Fragilités et relèvements

Frères et sœurs, que le Seigneur soit ma bouche pour qu’Il vous parle et qu’Il soit vos oreilles pour que vous puissiez l’entendre.

Introduction

Nous avons vu les ruines de Mossoul.  Au milieu de ces ruines, dans son vêtement blanc, le Pape François priant pour tous les hommes, les femmes, les enfants qui ont péri par la folie des hommes. En ce jour où avec le Pape, nous contemplons les ruines de Mossoul, nous voyons le Christ nous exhorter à la confiance en Celui qui a le pouvoir de relèvement.

Détruisez ce temple et en trois jours je le relèverai, mais il parlait du sanctuaire de son corps

 

Fragilités

Fragilités de nos vies

Nos maisons, nos temples, nos sanctuaires sont fragiles. Nos murs aussi, nos civilisations comme nous l’a rappelé à bon droit le poète. « Nous autres civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles », écrivait Paul Valéry dans La crise de l’esprit en 1919 après la Grande Guerre.

Fragiles et vulnérables aussi nos existences. C’est comme un cristal à l’éclat incomparable et au son très pur. Un faux geste et il se brise. Je parle d’expérience. Je viens de passer une semaine au chevet d’un petit enfant né il y a un mois, aujourd’hui en réanimation. Lorsque je dis que j’ai passé ma semaine à son chevet,  je parle d’une présence spirituelle puisque je n’avais pas accès à lui. Mais par ma prière, par mon attention auprès de ses parents, de ses grands-parents, je peux dire que j’ai passé une semaine à son chevet, à genoux en prière.

Nos existences sont fragiles et vulnérables, comme une bulle de savon parfaitement ronde et galbée qui semble si légère qu’elle s’élève et l’instant d’après, éclate en un clin d’œil.

Les philosophes de tous temps ont médité sur cette condition précaire de l’homme.

Et les chrétiens que disent-ils ?

Ils ne récusent pas ce constat de fragilité, mais ils ajoutent à ce constat, une volonté. La volonté d’assumer cet état de fragilité.

 

Fragilité de notre amour

Cette volonté qui assume et s’accorde avec notre fragilité, s’exprime à travers la fragilité de l’amour.

Qui aime vraiment fait toujours et nécessairement l’expérience de la vulnérabilité. Vulnérabilité consentie, volontaire, accueillie, à laquelle celui qui aime s’accorde. Celui qui aime, celle qui aime s’expose toujours et nécessairement à la découverte de ses blessures. A l’exposition au regard de l’autre de ses blessures ; et la première d’entre elles, c’est d’aimer.

Notre amour tient à ces fragilités partagées, offertes, aimées . Ce sont elles, ces vulnérabilités qui nous permettent de nous élever en nous aimant.

Je voudrais ici prendre un exemple :  celui de la danseuse ballerine. Elle s’élève en s’aidant de la partie la plus fragile de son corps, l’extrémité de ses pieds. Elle s’élève et s’élance dans les hauteurs. Ainsi en va-t-il de nous. Nous nous élevons sur les marques de nos blessures. Nos vulnérabilités purifient et élèvent notre amour et nous protègent de tout amour égoïste. Tous ceux qui parmi vous ont fait l’expérience du véritable amour, reconnaitront en cela leur propre expérience.

 

Par la communion à ses souffrances nous serons sauvés.

Le Christ n’a pas voulu échapper à cette double condition : condition d’humanité précaire et condition d’un amour vulnérable, d’un amour blessé.

Il nous rejoint au plus profond de nous-mêmes par l’une et l’autre de ces conditions, en partageant avec nous la condition humaine et la condition d’amour. Il l’a partagé jusqu’à l’extrême. Nous nous rappellerons dans les jours qui vont venir, que le Christ a rompu la toile de son existence, alors qu’il avait trente-trois ans. Il a été pris au beau milieu de sa vie, au moment où son existence trouvait probablement le plus beau de ses épanouissements. Et il nous a aimé jusqu’au bout. Le Christ nous rejoint par l’une et l’autre de ces conditions ; condition d’humanité, et condition d’amour consenti à nos propres blessures. Il a même voulu que la communion à ses souffrances soit le principe de notre rachat, de notre salut, c’est-à-dire de notre entrée dans la vie éternelle. « C’est par ses souffrances que nous sommes guéris » s’écrie le prophète Isaïe. (Is 53, 5). Souffrances physiques bien-sûr mais surtout souffrances d’amour bien plus blessantes, bien plus intenses, bien plus mortelles. Qui a jamais aimé le sait.

 

Chers frères et sœurs, pour conclure, disons simplement qu’il y a deux voies pour dépasser nos fragilités.

La première voie, c’est de les fuir et de les nier.

La seconde voie, c’est de les assumer dans la seule disposition qui les rendent vraiment humaines :  un amour blessé.

Amen

 

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