Homélie du 2 octobre 2022 du Père Ollier.
Chers frères et soeurs,
lorsque j’ai lu cette première lecture extraite du livre du prophète Habacuc :
“ Combien de temps Seigneur vais-je appeler, sans que tu entendes ? Crier vers toi : “violence “ sans que tu sauves ? “, trois images me sont venues à l’esprit.
La première, celle d’une mère ukrainienne qui prie pour son enfant parti à la guerre, pour qu’il ne meure pas et qui reçoit peu de temps après, une lettre lui annonçant le décès de son fils.
“ Combien de temps Seigneur vais-je appeler, sans que tu répondes ? Crier vers toi : “violence “ sans que tu sauves ?“
La deuxième image qui m’est venue à l’esprit, c’est celle d’une enfant de la catéchèse qui me disait : “ j’ai prié Dieu et il ne m’a pas exaucée “.
Et la troisième image, celle d’une jeune femme de 18 ans qui a perdu son frère de maladie et qui a rompu avec Dieu parce qu’il ne l’avait pas exaucée.
La foi se mesure-t-elle ?
Est-elle mesurable, comme on mesure un grain de moutarde, ou un noyau d’olivier ou un noyau de cerise ? Peut-on la comparer à une montagne ?
Il n’est pas certain que la foi soit mesurable.
Elle est une relation. Et nous savons qu’on ne mesure pas une relation. La foi, parce qu’elle est une relation à Dieu nécessite donc d’entrer dans une forme de réciprocité et de gratuité.
Dieu n’est ni un magicien, ni un faiseur de miracles. Il nous appelle à avoir confiance en lui jusqu’au bout. Au-delà des apparences, au-delà de la stricte logique du donnant-donnant.
Ce que nous laisse apparaître la fin de cet extrait du livre d’Habacuc : “ Tu vas mettre par écrit une vision pour que l’on puisse la lire. Cette vision, elle tendra à son accomplissement et elle ne décevra pas. “
Nous avons tous fait l’expérience d’une relation vivante qui oblige à la confiance, même lorsque les apparences ne sont pas là. Confiance fondée sur la réciprocité et sur la capacité de l’autre à aller au-delà d’une simple demande, au-delà d’une simple suggestion ou d’une obligation de répondre. La réciprocité, c’est-à-dire la relation de confiance entre deux personnes nécessite une certaine gratuité.
Il y a une foi qui ne grandit pas en confiance, c’est-à-dire qui ne se laisse pas éprouver par les situations existentielles que nous rencontrons.
Celles d’une maladie, celles d’une disparition, celles d’une épreuve que nous devons traverser, en tenant jusqu’au bout dans la confiance.
Il y a une foi qui traverse l’épreuve et qui porte un fruit de paix.
Un fruit qui est saint, un fruit qui est durable.
Il y a une foi qui peut être belle, enviable, mais qui ne porte pas de fruit.
C’est un peu comme un arbre dans un verger, magnifique au printemps, qui fleurit, dont tous s’étonnent de la beauté. Mais quand vient le temps de ramasser les fruits, l’arbre est vide. Alors que fait le propriétaire du verger, il dit à celui qui est en charge de ce verger: “ Nous allons le laisser encore un ou deux ans, pour voir s’il portera du fruit. Tu vas l’éclaircir, tu vas le tailler, et si au bout de deux ans, il ne porte pas de fruit, nous le couperons, et nous en replanterons un qui portera du fruit. “
La foi est une relation qui appelle la réciprocité, et donc une réponse gratuite de la part de celui que l’on prie et sur lequel on s’appuie. Toute la question est de savoir jusqu’où l’on s’appuie sur Dieu.
Je vais essayer d’éclairer cela à travers une histoire que je vous rapporte.
Il y a quelques années – ce n’était pas en France – un homme qui avait très bien réussi sa carrière mais aux dépens de sa famille, a été atteint d’une maladie incurable. Il a décidé de mettre fin à ses jours. Il l’a annoncé à ses enfants. Les enfants se sont réunis pour réfléchir à la situation, ils sont allés le voir et lui ont dit : “tu as très bien réussi même si cela a été aux dépens de notre famille. Et au moment où nous pourrions, nous, t’apporter quelque chose, t’entourer, t’apporter de la tendresse, tu nous refuses ce dernier don pour disparaître. Tu nous refuses de pouvoir t’accompagner. ” Cet homme a été extrêmement touché par la démarche de ses enfants, il a finalement renoncé à ce geste fatal. Il est entré en soins palliatifs, il y a fini sa vie, entouré par sa famille et par un personnel hospitalier à l’écoute. Il a laissé une lettre que ses enfants ont trouvé après son décès, où il les remerciait de leur démarche pour que la relation entre eux et lui, la relation paternelle subsiste jusqu’au bout, au-delà et à travers l’épreuve de la maladie, et de la fin.
Si notre foi ne traverse pas l’épreuve, l’épreuve de l’obscurité, l’épreuve de la non-réponse de Dieu, l’épreuve du silence de Dieu, peut-elle encore porter vraiment le nom de foi ? Je n’en suis pas complètement persuadé.
Alors si vous le voulez, frères et soeurs, chacun à sa place dans son chemin de foi, demandons les uns pour les autres, que nous puissions grandir dans la confiance , que nous puissions jusqu’au bout traverser les épreuves, en nous appuyant sur l’épaule de Dieu et en lui disant : “ Je crois en Toi, je crois en Ta Parole, je sais que Tu ne failliras pas. ”
Amen.
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