Homélie du 29 octobre 2023

Un mot revient à deux reprises dans les lectures que nous venons d’entendre et ce mot c’est celui de colère, la colère de Dieu.

Dans la première lecture, “ la colère s’enflammera contre vous”. C’est souvent ce qui nous prévient contre l’Ancien Testament, ce Dieu de la colère qui aurait laissé place au Dieu de l’amour dans le Nouveau Testament.  Mais dans le Nouveau Testament, on retrouve ce terme de colère comme vous l’avez entendu dans l’Épître de saint Paul aux Thessaloniciens : “Jésus qui nous délivre de la colère qui vient.”

 

  1. Comment donner sens à ce terme de colère ?

Donnons sens à ce terme de colère en essayant de voir ce que l’ensemble de la Bible nous propose comme intelligence. Saint Paul nous dit que la colère de Dieu, consiste dans le fait qu’Il abandonne l’homme à ses excès, à l’endurcissement de son cœur.

Pourquoi Dieu laisse-t-Il l’homme ? C’est la deuxième interrogation que nous pouvons nous poser, dès lors que nous considérons que la colère de Dieu est le fait qu’Il nous laisse à notre propre intelligence, à notre propre discernement, à notre propre sagesse, quitte à ce que cette intelligence nous fasse défaut, quitte à ce que nous discernions mal ce que nous devons faire, quitte à ce que cette sagesse qui est nôtre soit tellement limitée qu’elle nous conduise dans des chemins sans issue.

 

  1. Quel sens donner à cet abandon de la part de Dieu ?

Il y a deux raisons.

D’abord, parce que s’il y a un bien de l’homme devant lequel Dieu “s’agenouille,” c’est notre liberté. La liberté de l’homme est sacrée aux yeux de Dieu, c’est un bien inaliénable. Il l’a payé d’un prix suffisamment cher, pour que nous soyons assurés qu’Il aime notre liberté au plus haut point. Cette liberté a conduit les hommes à tuer son propre Fils, venu en notre chair.

La deuxième raison pour laquelle Dieu nous abandonne à notre propre intelligence, à notre propre discernement, c’est que nous avons les moyens de nous diriger, de connaître les voies de Dieu. Dieu n’intervient pas en permanence auprès de nous, pour nous donner la direction ; ce serait une forme d’autoritarisme dont Il n’est pas coutumier.

En bonne éducation, on donne les lignes, à chacun ensuite de suivre ce mouvement par sa propre disposition.

Comme boussole dans notre existence nous pouvons aussi compter sur la loi de la conscience qui nous dicte de faire ce qui est bien et d’éviter le mal.

Enfin, pour nous tracer la route, nous avons la loi de Dieu, les commandements qui nous permettent de nous progresser.

Quand Dieu laisse l’homme qui ne veut plus L’entendre, à son propre discernement, il ne le laisse pas seul.

 

Lorsque Dieu abandonne l’humanité à ses ténèbres parce qu’Il ne peut faire autrement, Il ne nous laisse pas simplement à nous-mêmes, mais aussi à cette loi qui est inscrite au fond de la loi de la conscience et la loi du Sinaï, le Décalogue, la loi de Moïse. Nous la connaissons :

“Tu ne tueras pas, tu ne voleras pas, tu ne porteras pas de faux témoignages, tu ne convoiteras pas le bien de ton prochain.”

Et voilà l’homme laissé à lui-même, à sa propre conscience, à la loi de Dieu, qui parfois continue à errer et à endurcir son cœur.

En cela même, dans cet endurcissement, Dieu parfois peut faire jaillir une lumière. C’est l’intelligence extrême, l’intelligence pédagogique de Dieu, de nous réduire parfois à la plus grande pauvreté pour nous permettre de le connaître et de nous connaître en profondeur.

 

  1. La pauvreté humaine, ultime abandon aux mains de Dieu

Je vais vous donner un exemple que j’ai vécu. Il y a quelques années, j’ai accompagné un jeune vers son dernier souffle. Il avait tout pour lui, il était brillant, il avait fait les meilleures études, il était beau. Il avait vécu à mille à l’heure, en rencontrant toutes les gloires et tous les plaisirs de la terre et puis à 26 ans, on lui a diagnostiqué un mal incurable. Mal qui l’a conduit vers le chemin de la tombe. Presque à la fin, lorsque je le visitais, il me disait : “Voyez, mon père, Dieu m’a tout retiré, tout ce que j’avais, toutes mes certitudes, tout ce sur quoi je pouvais me fonder, m’appuyer. Tout ce qui faisait aux yeux du monde, ma gloire, mon rayonnement, Il m’a tout enlevé. Et c’est là, là me disait-il, dans cette extrême pauvreté, que je me suis vu moi-même, en vérité, et que je l’ai vu, Lui, Dieu, mon Père me recueillir dans sa main.”

Il est mort quelques jours plus tard et j’ai le ferme espoir que ce chemin de pauvreté à travers la vie et la mort l’aura conduit vers son accomplissement, en ayant découvert sa fragilité, sa pauvreté qui est celle de chacun d’entre nous, pauvreté que nous expérimenterons tous, un jour à travers ce passage par la porte étroite de la mort.

Nous allons jeudi prochain prier pour les fidèles défunts et nous nous souviendrons, à cette occasion-là, de la fragilité de notre humanité, de sa pauvreté et nous tâcherons d’accueillir cette pauvreté non pas comme un mal, non pas comme une nécessité, mais comme la vérité de notre condition présente et le lieu de la rencontre avec nous-mêmes, sans faux fuyants, sans nous mentir à nous-mêmes, sur ce que nous sommes, dans l’espérance que Dieu se saisisse de ce pauvre petit être que nous sommes, qu’Il le prenne dans sa main et le porte sur son cœur.

Peut-être la mort de chaque personne est-elle le signe de cette pauvreté suprême qui nous laisse tout entiers entre les mains de Dieu, mains bien douces et paternelles qui ne peuvent sans doute se substituer aux mains des hommes, mais peuvent recueillir le peu que nous sommes, dès lors que nous y consentons.

Que la main de Dieu nous porte et nous garde toujours.

Amen.

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