Homélie du 5 novembre 2023

« Il faut aimer le corps d’un grand amour de charité »

1.    L’homme est un composé de corps et d’âme

L’homme est un composé de corps et d’âme. Nos philosophes l’ont prouvé depuis des siècles ; quelques conciles l’ont solennellement affirmé. Il n’y a pas à revenir là-dessus.

Et cependant ce terrible problème réapparaît à tous les coins de la route et nous ne pouvons pas équilibrer notre action tant que nous n’avons pas compris ce qu’est ce corps et comment il nous faut le traiter. Est-il une sorte de lest encombrant, démesuré ? Un obstacle au pur travail de l’esprit ? une honte par tout ce qu’il recèle et entretient de faiblesses ? un compagnon bourru, sans manières, qui crie, qui dort, qui ronfle et qui geint, et ne cesse de troubler l’âme.

On a dit tout cela. Et sur ces fondements suspects on a bâti des systèmes d’ascétisme : le corps adversaire de l’esprit et qu’il faut donc saturer de mépris. C’est une constance dans toutes les hérésies, à travers l’histoire de l’’Église, de mépriser le corps. Il est si facile de se moquer du corps humain, de rire de son apparence, de se scandaliser de son anatomie, et de dresser le catalogue de ses infirmités peu glorieuses.

2.    Le corps est sacré

Je crois qu’il doit y avoir une façon sainte d’être son corps ; je pense qu’il mérite une estime infinie parce qu’il est l’œuvre de Dieu, malgré les drôleries que nous y découvrons, malgré sa structure tout animale, malgré les infirmités chroniques qui l’assiègent. N’y aurait-il pas moyen de le considérer comme sacré ?

Regardons-le de plus près :

Il n’y a pas, dans ma vie, des actes du corps et des actes de l’âme, mais toujours et partout des actes du composé tout entier, de l’homme que nous sommes, essentiellement corps et esprit. L’Église n’est pas faite de belles âmes, mais elle est faite d’hommes comme vous et moi, en chair et en os. On nous a assez reproché, nous autres catholiques, d’être matériels dans nos dévotions ; d’encombrer nos églises de choses à voir, sans parler de la musique à entendre ! Mais l’Église est faite en hommes, et c’est des hommes qu’elle s’occupe, de leurs maladies comme de leurs péchés, et de l’erreur comme de leur foi. C’est par leur corps qu’ils ont servi et glorifié Dieu, tous les martyrs et tous les ascètes, et tous les bâtisseurs et tous les saints. Au lieu d’ignorer ou mépriser le corps, l’Esprit Saint nous enseigne que la perfection est dans l’harmonie, dans la parfaite santé de corps et d’âme, sans révolte, sans dictature, sous la bénédiction du Créateur. La chasteté ne peut croître sur le mépris du corps. La chasteté et la tempérance ne peuvent s’épanouir sinon par un respect immense que nous gardons à notre corps sacré.

3.    Aimer les corps d’un grand amour de charité

Comme de tout ce qui est excellent, on peut abuser du corps ; et comme tout ce qui est saint, on peut le profaner ; mais est-ce une raison pour le traiter en chose vile ? Quelques pays ont inscrit dans leur loi l’autorisation de se servir des restes humains comme compost pour les jardins. N’est-ce pas là le signe d’un profond mépris pour le corps humain ?

Je voudrais attirer votre attention à ce propos sur un phénomène qui prend de l’importance : la crémation des corps des défunts. Je ne jette ici l’opprobre sur quiconque aurait été conduit à prendre une telle décision, ou a eu à l’assumer, mais je signale un danger : la violence symbolique que représente la transformation, en quelques minutes, d’un corps en trois litres de cendres. Face à cela, l’Église a le souci de l’homme et de sa consolation. C’est pourquoi elle rappelle à chacun la richesse du parcours des funérailles qui passe par l’église. De même qu’elle rappelle l’importance, dans les premiers temps du deuil, d’un lieu de mémoire » (Christian de Cacqueray, directeur du Service Catholique des Funérailles)

En vérité, ne pourrions-nous pas reconnaître que le médecin et l’infirmière qui passent leurs journées à secourir la peine des corps font œuvre divine. Corps souffrant, corps laborieux, corps blessé, corps infirme, corps de défunt, chair sanctifiée, ne devons-nous pas aimer d’un grand amour de charité les corps ? Et le crime des homicides, des dictateurs belliqueux, des débauchés et des luxurieux n’est-il pas précisément de profaner à des colères ou des convoitises, médiocres ou abjectes, l’œuvre choisie du Créateur. « Debemus amare naturam humanam » disait saint Thomas d’Aquin (Somme théologique IIa IIae, question 64, a.6). Nous devons aimer la nature humaine, c’est-à-dire l’homme, corps et âme, tel que Dieu l’a fait et tel que Dieu les renouvellera à la résurrection des morts.

Conclusion

La culture de mort qui se propage aujourd’hui dans notre société, la fascination pour la mort que nous voyons à travers les projets de législation sur l’euthanasie, mais aussi à travers le regain d’enthousiasme pour halloween et ses jeux de morts, trouvent leurs racines dans le mépris du corps, ou plus exactement dans l’incompréhension bien païenne de ce qu’est le corps. Non une enveloppe passagère. Mais ce que je suis personnellement. Moi ! Je suis mon corps. Il est mon bien. Ma fierté, même si parfois il me joue des tours, et même si un jour il se défera sous moi. Je refuse que l’on traite mon corps comme un déchet.

Il existe aujourd’hui, grâce au génie de quelques médecins, bien des façons de soulager jusqu’au bout les corps de ceux qui souffrent de maladie, hélas, incurables. Les soins palliatifs en ont fait la démonstration. Le projet de loi d’euthanasie est avant tout un projet de mainmise de l’homme sur lui-même. Mais l’homme ne s’appartient pas. Il appartient à l’humanité et celle-ci ne peut en disposer à sa guise. Celui qui tue son frère se tue lui-même.

  1. Ollier

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