Homélie du dimanche 12 mars 2023

LA SOURCE ET LE DÉSIR

1.    Nombreuses sont les soifs humaines

Chers frères et sœurs, de quoi avez-vous soif ?

Soif de tendresse, de santé, de plaisir, de réussite, d’argent, de pouvoir ?

Vous remarquerez -et cela suit une logique élémentaire- que nous cherchons à étancher nos soifs aux sources qui leur correspondent selon une sorte de proportionnalité.

Il en fut de tout temps ainsi. Mais ce qui caractérise sans doute notre temps, c’est l’égalité qui est établie entre ces diverses aspirations.

Égalité de valeur entre ces diverses soifs. Vous cherchez à vous enrichir ? Soit !

Ou vous cherchez le plaisir ? Très bien ! ou la réussite ?

Est-ce une aspiration moins haute qu’une autre ? On répondra non !

Et cela pour une raison bien simple. Parce qu’il n’y a plus de vérité. Il n’y a plus de vérité des biens auxquels nous aspirons, et donc plus de hiérarchie des biens.  Tout se vaut, c’est le régime du relativisme.

Effacer la vérité de la morale et tout devient possible. Et pour plagier Dostoïevski, nous pourrions affirmer : « si la vérité n’existe pas, tout est moralement permis ».

2.    Les raisons de l’effacement de la soif de vérité

Comment en sommes-nous arrivés là ?

Parce que nous avons fait sortir la vérité de ce monde et qu’elle n’y a plus sa place. Parler de vérité dans une conversation, un débat, vous range immédiatement au rang des intégristes. J’ai dit un jour dans une conversation avec des jeunes catholiques jeunes mariés dans des circonstances plutôt détendues, l’été, dans une villa au bord de la mer, que le christianisme était la vraie religion. Ce fut un tollé. Pourquoi ? Parce que dès lors que disons-nous qu’une chose est vraie, il nous semble que par là-même, nous disons que les autres sont fausses. Mais c’est là un syllogisme tout à fait imparfait.

3.    Que disons-nous lorsque nous disons la vérité ?

Nous disons la pleine manifestation d’une réalité qui apparaît dans sa perfection. Ainsi lorsque nous disons que le christianisme est la “vera religio”, la vraie religion, nous ne prétendons pas que les autres sont fausses, mais nous disons trouver dans la religion chrétienne, l’aboutissement de tout ce que les hommes ont cherché, et qu’ils ont mis dans les systèmes religieux, parfois de manière inchoative, commençante, balbutiante mais que le christianisme porte à son terme. Dieu vient couronner dans le christianisme, ce qui est présent dans toutes les démarches religieuses et en même temps le purifie.

On pourra dire par exemple :

Que le fruit est la vérité du bourgeon.

Que la satisfaction est la vérité du travail.

Que l’attention réciproque est la vérité de ceux qui s’aiment profondément.

Nous cherchons à étancher notre soif à la source qui lui correspond.

Avec le risque parfois de rester au bord de puits saumâtres.

Et c’est ce que nous voyons trop souvent parmi nos contemporains.

4.     Que pouvons-nous leur proposer ?

Rien d’autre que la pédagogie que Jésus met en œuvre  dans ce magnifique récit de la Samaritaine que je vous invite à relire en son intégralité. C’est un texte très long, parfaitement organisé du point de vue du récit. Je vous donne quelques indications sommaires. Vous remarquerez que Jésus ne commence pas par se présenter en disant qu’il est la source.  Au contraire, il déclare à la femme samaritaine : “ j’ai soif !” Car le désir de Dieu n’est pas moindre que le nôtre.  En satisfaisant le désir de Dieu, nous exhaussons, nous augmentons notre propre désir. Puis, Jésus révèle à cette femme “tout ce qu’elle est”. La vérité de ce qu’elle est. Il ne lui fait pas de reproches, il ne lui dit pas : “tu es restée à mi-chemin, avec tes cinq maris – qui symbolise en fait les cinq dieux que les Samaritains avaient apportés avec eux, lorsqu’ils avaient été réinstallés dans cette partie du territoire par les Assyriens. Il ne lui dit pas qu’elle a mal fait. Il lui dit :  “il te reste à aller jusqu’au bout de ton chemin.”

5.    Voilà le point essentiel à ne pas manquer.

Montrer dans le dialogue que nous pouvons avoir avec nos interlocuteurs, et dans la paix, tous les biens auxquels ils sont promis. La vérité, la totalité des biens auxquels ils sont promis.

“Ce n’est plus sur cette montagne, le mont Garizim, en Samarie, au milieu des territoires d’Israël et de Palestine, dit Jésus, ni à Jérusalem d’ailleurs, que vous adorerez, mais c’est dans l’esprit même de Dieu et dans la vérité de Dieu que vous adorerez.”

Aller jusqu’au bout !

Aller jusqu’au bout de son désir et de sa soif. Et trouver une source qui lui soit accordée, une source, pourrait-on dire totale, parfaite, qui étanche parfaitement notre soif infinie.

Il nous faut nous efforcer de faire passer nos interlocuteurs de biens inférieurs, légitimes, de biens moyens qui le sont aussi, à la vérité des biens qui peuvent véritablement satisfaire le cœur de l’homme. Nous le savons, le désir de l’homme est infini et aucun bien matériel n’est capable de combler le désir infini du cœur de l’homme.

Permettre à nos contemporains de faire ce chemin, c’est adopter une bonne pédagogie. Il revient à chacun d’entre vous de réfléchir à la manière dont, dans une conversation avec ses enfants ou ses petits-enfants, il peut les faire grandir vers des biens supérieurs.

Pour les enfants, c’est assez simple, on ne peut pas simplement leur promettre des biens matériels ou de la nourriture ; on les fait passer à des biens supérieurs, culturels, des biens d’intelligence et de savoir. Il en va de même pour les adolescents ; ils sont dans l’ère du plaisir. Il faut leur montrer qu’en travaillant, ils obtiendront des satisfactions plus grandes; la réussite, l’autonomie, la maîtrise technique ou le savoir inhérents à l’application continue dans une tâche.

Dieu vous donne, frères et sœurs, la grâce d’aimer la vérité et de la faire resplendir aux yeux du monde.

Amen.

Père Ollier.

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