Homélie du dimanche 21 avril 2024

« Ma vie, nul ne la prend mais c’est moi qui la donne »

Je viens de recevoir la lettre du chancelier du diocèse me demandant d’accepter le ministère qui m’est confié. Il s’agit de ma prorogation à Saint-Pierre de Chaillot.

Avec ce courrier, une demande complémentaire de renseignements sur les dispositions que j’aurais prises à propos de ma fin de vie, est-ce que j’ai ou non écrit un testament, un légataire testamentaire, etc… Toutes choses auxquelles il faut penser.

Il y a longtemps que cela est fait. D’abord parce qu’étant célibataire sans enfant, il me paraît prudent de donner quelques instructions concernant ce grand passage. Et parce qu’ayant accompagné un prêtre dans sa longue maladie, je me suis aperçu, après sa mort, qu’il n’avait laissé aucune instruction.

Il y a encore le problème de l’acharnement thérapeutique. Et de l’euthanasie. Sur le rapport à la mort, personne ne peut faire le fier. Jésus lui-même a demandé à son Père de le garder de cette « heure ».

  1. Euthanasie : le sens d’un mot.

Le mot euthanasie signifie en grec “bonne mort” (εὐθάνατος). On voit bien qu’il s’agit là d’un excès langagier. Il n’y a pas strictement de bonne mort. On a voulu, par ce terme, signaler une mort sans souffrance. L’objectif du médecin étant de faire en sorte, dans la mesure du possible, que les derniers moments de la vie soient indolores en utilisant des soins dits palliatifs. Cette forme de traitement palliatif n’est pas en contradiction avec le serment d’Hippocrate: «Je ne donnerai à personne, même si on me le demande, un médicament mortel, ni ne suggérerai un tel conseil». Aujourd’hui, le terme “euthanasie” renvoie à une action visant à provoquer par avance la mort d’une personne malade afin d’en alléger les souffrances.

  1. Le suicide assisté

Aujourd’hui, la question ne porte plus tant sur la législation de l’euthanasie que sur le suicide assisté. Qu’en penser ? L’existence d’un être humain dans une condition très précaire, parce qu’il est vieux, malade, ou souffrant a-t-elle encore un sens ? Pourquoi, lorsque le défi de la maladie devient dramatique, devrions-nous continuer à défendre la vie, et ne pas plutôt accepter le suicide comme une libération? «Ceux qui sont appelés à accompagner les personnes âgées malades doivent se mesurer à ces questions surtout lorsqu’elles semblent n’avoir aucune chance de guérison», affirmait Benoît XVI en 2007. La mentalité actuelle d’efficacité, ajoutait-il, tend souvent à marginaliser nos frères et sœurs qui souffrent, comme s’ils n’étaient qu’un «fardeau» et un «problème» pour la société. Mais le suicide assisté peut-il être une solution crédible à ce problème grave ? Je ne le pense pas. Et les justifications qui y sont apportées ne me convainquent pas.

Aujourd’hui s’affrontent en effet deux logiques de compassions. D’un côté, une compassion qui réduit l’autre à n’être que l’objet de notre compassion ou de la sienne propre. De l’autre côté, une compassion qui maintient l’autre et soi-même dans sa qualité d’être de relation et en relation, même dans l’expérience de la mort.

Je vous ai déjà cité cet exemple d’un homme ayant eu recours au suicide assisté, dans un autre pays. Lorsqu’il eut annoncé ce choix à son fils, celui-ci lui dit : “tu nous as refusé ta présence tout au long de notre vie pour poursuivre ta carrière. Tu l’as magnifiquement réussie à nos dépens. Aujourd’hui où nous pourrions te porter tous ensemble, ton épouse, tes enfants, tes amis, aux jours où nous pourrions t’entourer, t’aimer, te réconforter, tu nous refuses encore cet acte d’amour.”

Le suicide assisté est un acte grave. C’est tout simplement un homicide. Qui peut se rendre maître de sa propre existence ou de celle d’un autre. Quelle loi ? quel homme, quelle société ? N’avons-nous pas reçu la vie comme un don inouï ? Sans doute, la vie ne vaut-elle rien, au regard de beaucoup. Mais rien ne vaut la vie.

Reste à chacun de s’interroger et à prendre à l’avance les dispositions nécessaires à l’exercice de sa liberté et de sa qualité d’être de relation, pour ne priver personne de vivre sa mort comme un dernier acte, acte responsable et consenti à sa propre limite humaine.

A cela s’ajoute un autre défi : «comment réussir à aider les hommes de notre temps à prendre conscience du caractère inhumain de certains aspects de la culture de mort, culture dominante assurément aujourd’hui et à redécouvrir les valeurs les plus précieuses qu’elle voile ? Celle de la vie comme don unique et généreux.

Pour aller plus loin, lisez le texte de la congrégation pour la doctrine de la foi paru le 25 mars dernier, dignitas infinita, qui traite de cette question entre autres.

Père Jacques Ollier

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