L’abbé Huvelin et Charles de Foucauld
Personne ne sera surpris ce jour que je vous entretienne d’une figure importante de notre nation, une figure importante de notre Église, l’Église de France, mais aussi de l’Église universelle. J’en ai trouvé la représentation sur les murs de cette église, à mon grand étonnement, lorsque j’y suis entré il y a 4 ans. Il s’agit, vous l’avez deviné, de saint Charles de Foucauld que le Pape canonise ce jour à Rome. ” Carolus a Iesu ” : j’ai été étonné de le voir là, peint sur nos murs puisque Charles de Foucauld, mort en 1916, était bien loin d’être béatifié et encore plus canonisé. Il fut béatifié en 2005 par le pape Benoît XVI et aujourd’hui, 15 mai 2022 il est canonisé, c’est à dire, présenté à l’ensemble de l’Église comme une figure universelle de sainteté. Toutes les régions, tous les états de vie sont concernés par son exemple.
Les figures qui ont accompagné la conversion de Charles de Foucauld
On n’est pas saint par la force de sa seule détermination, il y a de nombreuses personnes, de nombreux moments, des rencontres qui émaillent la vie d’un saint et qui font que parfois longtemps après la mort de cet élu, quelquefois très rapidement, on peut reconnaître en lui les traces de la sainteté de Dieu – car ce que nous reconnaissons dans la sainteté des élus c’est la sainteté de Dieu-.
La conversion de Charles de Foucauld trouve sa source en Dieu, bien sûr, mais aussi dans la part qu’y ont pris ses frères. Conversion, il est vrai, bien nécessaire parce qu’il a mal vécu avant de revenir. C’est la raison pour laquelle sa béatification a été longtemps reportée ; non pas à cause de la malice de ses actions mais à cause des conséquences de la malice de ses actions.
Parmi ceux et celles qui ont accompagné la conversion de Charles de Foucauld, nous connaissons bien sûr sa cousine, Marie de Bondy, une femme douce et pénétrante, patiente qui avait vu dans cette âme sombre celui que Dieu attendait. Elle l’instruisit donc et lui fit le catéchisme. Il cherchait Dieu allant souvent, lorsqu’il résidait chez sa cousine dans le 8e arrondissement à l’église Saint-Augustin. Il y entrait et disait ces mots déchirants : ” Mon Dieu, si vous existez, faites en sorte que je vous connaisse.” Parmi les vicaires de la paroisse Saint-Augustin, il y avait un homme admirable, l’abbé Henri Huvelin. Saisi par un mouvement intérieur, Charles de Foucauld s’approcha, un jour qu’il était à réfléchir dans l’église, du confessionnal où l’abbé confessait toute la journée, après la première messe jusqu’au soir, parfois sans rompre le jeûne qui précédait la célébration de la messe. Il entra dans le confessionnal et dit : ” – Monsieur l’Abbé, je viens pour recevoir votre instruction. L’abbé Huvelin lui fit pour toute réponse :
-” Confessez-vous “.
-“Mais je ne viens pas me confesser, lui répliqua Foucauld : « je ne crois pas. »
-“Mettez-vous à genoux et confessez-vous. ”
Impressionné, Charles s’est agenouillé, et s’est confessé. Cela n’a pas duré très longtemps, parce que les confessions des grands pécheurs ne durent jamais très longtemps. L’Abbé Huvelin après qu’il lui eut donné l’absolution et la pénitence sacramentelle lui dit: ” Et maintenant allez communier “.
L’Abbé Huvelin devint l’un des meilleurs amis de Charles de Foucauld, son confesseur et son père spirituel.
Pour mieux connaître Charles de Foucauld, rien ne vaut la fréquentation de celui qui le guida tout au long de sa vie chrétienne. Je voudrais vous le faire entendre aujourd’hui. Normalien, historien très brillant dont ni la faculté, ni l’Église n’ont su tirer parti malheureusement ou peut-être heureusement puisque précisément il servait le dessein de Dieu qui voulait que Charles de Foucauld puisse trouver sur son chemin un homme aussi fin, aussi clairvoyant. Il aida Charles de Foucauld après sa conversion à trouver sa place dans l’Église. Devait-il devenir moine ? Après une retraite chez les Jésuites, il est parti à la Trappe, puis au Moyen-Orient au Liban, et à Nazareth chez les Clarisses, puis est revenu en France et enfin est parti en Algérie, à Tamanrasset où il meurt en 1916.
La spiritualité de l’Abbé Huvelin
Ce qui prédomine, il me semble dans la spiritualité de l’Abbé Huvelin, malgré la rigueur, c’est la joie. Et je crois que c’est aussi ce qui prédomine dans la spiritualité de Charles de Foucauld. Bien sûr, Charles avait beaucoup à se faire pardonner et il a vécu une vie de pénitence très rigoureuse, mais cela ne l’empêchait pas – comme on le voit sur les photos qui le représentent – de transpirer la joie de Dieu.
Voici ce que dit l’Abbé, ce qu’il écrit précisément dans une de ses homélies de Pâques à propos de la joie.
” Quelle est la caractéristique de notre religion ? C’est la joie. Ce qui domine en elle, c’est la joie, c’est la Vie, c’est la victoire sur la mort. Le dernier mot est à la joie. Tout ce que le Christ a fait est nouveau, sa doctrine est jeune et nous ne l’avons pas encore mesuré, nous n’en n’avons pas assez vécu de cette jeunesse qui donne la joie. Elle est devant nous, les nations n’ont pas assez vécu de sa Vie. L’Eglise, œuvre du Christ, est immortelle et comme lui toujours jeune. Malgré ses rides et ses défaillances, il faut qu’Elle dure car il y a toujours des âmes à sauver, des âmes qui ont besoin d’Elle, car Elle a les paroles de la Vie éternelle. Il semble, poursuit-il, par moments, pour quelques-uns, que cette Église va disparaître. Non, Elle porte les stigmates du Christ, mais comme le Christ Ressuscité paraît encore plus beau et que ses douleurs font valoir sa bonté infinie, l’Église porte, dans sa vie, des cicatrices et malgré les coups que l’on lui porte, Elle sort victorieuse.
Puis il continue le développement sur ce que l’Église porte en Elle de signes de joie ; la joie des sacrements : la pénitence, c’est-à-dire la confession d’où l’âme s’échappe rajeunie, l’Eucharistie est un tombeau glorieux dont s’échappe la vie.
Pourquoi dit-on, en voyant vivre tant de chrétiens, que Christ n’est pas ressuscité ? Vous, ajoute-t-il, en 1903, dans l’église Saint-Augustin, – et je vous le dis aussi à vous –
Montrez qu’il est vraiment Ressuscité, goûtez ce qu’il apporte, désirez ce qu’il promet.
La Joie de Dieu
C’est la joie de Dieu qui a inondé le cœur de Charles de Foucauld dès sa conversion et tout au long de sa vie chrétienne, de sa vie sacerdotale.
“ Mon Seigneur et mon Dieu, disait-il dans l’une de ses prières, apprenez-moi à trouver toute ma joie à Vous louer, c’est-à-dire à Vous répéter sans fin que Vous êtes infiniment parfait et que je Vous aime infiniment. “ – Il utilise ensuite un terme que l’on n’ose guère utiliser aujourd’hui dans le cadre spirituel. – “ Apprenez-moi à me délecter de Vous, car Dieu est bon, apprenez-moi à me délecter en Vous, dans la vue de Vos infinies beautés et le murmure amoureux et incessant à Vos pieds de Vos louanges ! Amen. »
Chers frères et sœurs, entrons aujourd’hui, 5ème dimanche de Pâques, dans la joie de Dieu, dans la joie du Christ Ressuscité, éternellement nouveau, sur lequel la mort ne peut plus rien. Entrons dans cette joie, dans cette vie que nous avons reçue de Dieu au jour de notre baptême, que je vais communiquer à la petite Juliette après cette messe. Joie de Dieu, joie du baptême, joie d’être enfants de Dieu, joie de vivre le festin des Noces de Dieu avec nous dans chacune de nos eucharisties.
Amen.
Un commentaire