Quel est le moment le plus important de la messe ?

Frères et sœurs, que Dieu me fasse la grâce de vous dire ce qu’il veut que je vous dise, et qu’il vous fasse la grâce d’entendre ce qu’il veut que vous entendiez. Que votre cœur soit ouvert et que vous puissiez vraiment l’entendre Lui qui parle au cœur de cette liturgie.

Quel est le moment le plus important de la messe ?

Cette question assez abrupte, peut-être un peu naïve, fut posée il y a quelques années par des étudiants à un grand théologien, le Père Louis Bouyer. Pour y répondre, cet homme qui travaillait depuis de très longues années sur la liturgie, sur le rituel romain et le sens de la messe[1] a pris au moins une bonne minute de méditation et de réflexion profondes. J’en fus étonné. N’était-ce pas évident. Il faut croire que non.

Cette question est légitime. Elle engage, nous allons le voir, bien plus qu’une simple réponse de choix de telle ou telle partie de la messe qui nous semblerait la plus importante. Nous le constaterons dans la réponse faite par le P. Bouyer à ses étudiants.

Force cependant est de constater que nous opérons des choix et que notre cœur penche vers tel ou tel moment de la messe.

Certains aiment le début de la messe ; le rassemblement où l’on se retrouve chez soi, comme à la maison, où l’on vient dans la maison du Père, convertis, appelés par Dieu. Nous allons vers cette maison de lumière, de paix, de fraternité.

Certains aiment le moment de l’offertoire, où sont rassemblées les offrandes des hommes. Le pain, le vin, les quelques monnaies de la quête et tout ce que portent avec eux de douleurs, de peine les hommes et les femmes qui font cette offrande. Ce qui est présenté, le fruit de la terre et du travail des hommes, tout ce que nous sommes, tout ce que nous portons vient et est posé sous le signe du pain et du vin sur l’autel de dieu.

Pour d’autres encore, le moment le plus important est le moment de la consécration. Le prêtre, prenant dans ses mains le pain et le vin, redit les paroles de Jésus à la Cène. Il y a comme une concentration du temps qui fait que les paroles prononcées trouvent une actualité concrète aujourd’hui même. Les paroles prononcées par Jésus il y a 2000 ans ne sont pas seulement répétées par les prêtres. Ces paroles de Jésus, font, réalisent, aujourd’hui, ce qu’elles signifiaient dans la bouche de Jésus : « ceci est mon corps »

D’autres fidèles, et ils sont un peu moins nombreux apprécient le moment que l’on appelle l’épiclèse. C’est-à-dire le moment où l’on appelle l’esprit Saint pour qu’il descende et qu’il consacre les offrandes. Il ne faut pas oublier que les orientaux et les orthodoxes sont sensibles à cet élément de la liturgie ; à la consécration par les paroles du prêtre constituant le cœur de l’eucharistie, s’ajoute le fait de demander à l’Esprit Saint de venir pénétrer cette matière pour la transfigurer, faire qu’elle devienne vraiment le corps et le sang du Christ.

D’autres apprécient le moment de la doxologie. « Par Lui, avec Lui, et en Lui, à toi Dieu le Père tout puissant, dans l’unité du Saint Esprit, tout honneur et toute gloire pour les siècles des siècles ». C’est le moment où Dieu accueille cette offrande du corps et du sang du Christ et de tout ce que nous lui offrons nous-même, de nous-même, avec ce corps et ce sang transfiguré. C’est le moment de la réception par Dieu de ce sacrifice pascal. Et c’est parce qu’Il l’a reçu qu’arrive alors le moment de la communion où le Père nous restitue ce sacrifice. Il y a, comme le dit Saint Augustin un admirable échange. Nous offrons le pain, nous offrons la fragilité de ce que nous sommes comme le Christ a offert la fragilité de son être sur la croix et nous recevons en retour le Pain des anges, comme nous le chantons ce jour dans la Séquence liturgique du Saint Sacrement.

Enfin certains aiment ce temps de rassemblement à la fin de la messe, temps fraternel et d’échanges.

J’en viens à la réponse du Père Bouyer sur ce qui, à sons sens était le plus important. Le Père Bouyer a dit quelque chose qui est très juste et percutant : « le moment le plus important de la messe c’est : « Après la messe ». Que voulait-il dire par là ? Eh bien assurément ce que dit l’Eglise. La grâce de l’eucharistie ce n’est pas l’eucharistie, elle-même. La grâce de l’eucharistie c’est la charité que nous donne Dieu, en nous donnant la nourriture du ciel.

Il y a donc un aspect social à l’eucharistie, comme l’a montré avec brio un autre théologien Henri de Lubac[2]. Nous ne pouvons pas communier sans que notre cœur ne soit transfiguré, sans que nous ne portions avec nous la peine du monde, sans que nous ne cherchions à résoudre l’équation du monde, la douleur et la faim du monde. Il y a un élément de justice sociale présent dans l’eucharistie. Et l’on voit bien combien certains qui ne sont pas chrétiens sont offensés de la distance qu’il peut y avoir entre la participation habituelle à l’eucharistie et le comportement de quelques chrétiens.

Le fruit de la communion et de l’eucharistie c’est assurément la charité. Je voudrais maintenant ajouter un fruit qui me semble non moins essentiel à la communion eucharistique.  C’est la liberté. Je pense que le Pain des anges, c’est aussi le pain de la liberté. J’en veux pour preuve le moment où Dieu a donné à son peuple de célébrer le repas de la Pâque. C’est au moment où Il le libérait de la servitude de Pharaon, de l’esclavage d’Égypte. Et nous voyons le Seigneur Jésus, la veille de sa Passion, la veille de cette grande libération, offrir à ses apôtres le mémorial de cette libération dans le Pain et le Vin qui deviennent son corps et son sang. Vraie nourriture, pour une véritable liberté..

Le pain de la liberté peut nous affranchir de tout ce qui nous tient liés, de toutes nos addictions. Le pain de la liberté nous donne d’affronter aussi avec audace les défis qui vont assurément se présenter devant nous dans les prochains mois et les prochaines années.

Le Pain de la liberté permettra aux catholiques de France, de Paris, de saint Pierre de Chaillot de faire preuve de liberté de paroles, de foi et de conviction.

Amen

 

[1] Louis Bouyer, Le mystère pascal, Paris, Éditions du Cerf, 2009.

[2] Henri be Lubac, S. J., Catholicisme. Les aspects sociaux du dogme. Paris, le Cerf 2003

Un commentaire

Ajouter un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.