Ac 12, 1-11 ; Ps 33, 2-9 ; 2 Tim 4, 6-8.17-18 ; Mt 16, 13-19
Chers frères et sœurs, nous sommes tellement heureux de pouvoir célébrer cette ordination malgré les restrictions dues au confinement. Je salue tout spécialement les parents de ceux qui vont être ordonnés. Ils sont ici par amour de leur fils qui fait aujourd’hui une démarche qui peut paraître étrange à beaucoup de personnes. Ils abandonnent tout pour suivre le Christ : un métier, une vie de famille, une carrière, peut-être pour certains une vie plus facile.
Pour suivre le Christ ? Mais qui est-il ce Christ pour conduire à une telle exigence ? C’est vrai, qui le Christ pour vous ?
Un personnage historique tellement fascinant qui va séparer l’histoire en deux dans des pays occidentaux et plus largement en avant et après Jésus-Christ ? Oui, mais de là à tout abandonner pour un homme du passé !
Un philosophe qui a bouleversé nos modes de pensée et d’agir ? Certes. Mais combien d’hommes ont changé de vie à la suite de Socrate, de Platon ou de Nietzsche ?
Qui est-il ce Christ, ce Messie, pour lequel depuis 2000 ans tant d’hommes et de femmes quittent tout pour le suivre ? Sont-ils fous ? S’ils le sont pourquoi sont-ils aussi nombreux ? Et ils n’ont pas l’air du tout d’être des fous ceux qui sont devant vous. Moi qui les connaîs, qui les ai rencontrés, je dirais même que c’est plutôt l’inverse. Ils me semblent largement plus équilibrés que la moyenne. Alors ?
Alors pour comprendre il faut faire comme le Christ qui interroge ses disciples, ceux qui l’ont suivi : « Qui dites-vous que je suis » (Mt 16,15) ? Au fond, ceux qui vont être ordonnés prêtres auront à répondre à cette question toute leur vie. Leur mission est tout simplement d’annoncer qui est Jésus pour eux. Car Jésus ne nous appelle pas pour un travail particulier mais pour « être avec lui ». Toute notre mission consiste à être avec lui et d’entrer dans son amitié : « Je ne vous appelle plus serviteurs je vous appelle mes amis » (Jn 15,15). Cette amitié se cultive par la prière personnelle, cette longue intimité qui s’entretient jour après jour, par l’eucharistie où le Christ s’empare de notre personne pour accomplir par nos voix et par nos mains le don qu’il fait de lui-même pour la vie éternelle des fidèles, enfin par sa miséricorde qu’il nous confie : « Ceux à qui vous pardonnerez les péchés, ils leur seront pardonnés » (Jn 20,23).
Car il s’agit d’être avec lui pour vous : « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie » (Jn 20,21). Sans vous, chers fidèles, le sacerdoce n’a aucun sens. On n’est jamais prêtre pour soi et on ne s’enferme pas dans un « quant à soi sacerdotal » avec Jésus. Sinon, c’est ce fameux cléricalisme si fort dénoncé aujourd’hui. Le prêtre est ordonné au sacerdoce des fidèles baptisés car les fidèles exercent leur sacerdoce par l’offrande qu’ils font de ce qu’ils vivent au quotidien dans les différentes sphères de la vie familiale, économique, politique et culturelle, reliées profondément à la célébration de l’eucharistie.
C’est le Christ, l’unique Grand Prêtre, qui irrigue cette participation à son unique sacerdoce à la fois pour les fidèles et pour les prêtres. La figure de Marie, présente au pied de la croix, participe totalement à l’offrande de son Fils et par là accomplit véritablement ce vis-à-vis entre l’homme et la femme pour une fécondité éternelle à laquelle nous sommes associés et pour laquelle nous rendons grâce.
Mgr Michel Aupetit,
archevêque de Paris
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