Homélie du 4ème dimanche de Pâques.
Ce n’est jamais sans émotion que, nous, prêtres, lisons ce passage de l’évangile selon saint Jean sur le Bon Pasteur. Évangile qui nous renvoie à la manière dont nous exerçons cette charge qui nous est confiée, déléguée. Nous ne sommes pas des « Bon Pasteur » et nous ne nous prenons pas pour lui, grâce à Dieu. Nous recevons comme une charge, de participer à la sollicitation de l’unique Bon Pasteur pour son peuple de fidèles. Le but principal de cette mission, c’est de faire l’unité. S’il fallait que je définisse le rôle essentiel d’un curé, d’un prêtre dans une paroisse c’est de garantir l’unité du peuple à lui confié.
L’unité, mais aussi la pérennité de ce peuple. Combien serez-vous dans 30 ans dans cette église? Y aura-t-il encore des prêtres ? Y aura-t-il encore des enfants catéchisés, des baptêmes ? Nous ne sommes pas en peine à Paris. Il y a des prêtres, 325 à peu près en activité, il y a 110 chapelles et paroisses à Paris. Cela fait trois prêtres par paroisse. Il y a des fidèles, la preuve ! qui sont pleins de vie, pleins d’enthousiasme, ce n’est pas le cas partout, loin s’en faut, en France. Notre préoccupation, aussi à Paris, va vers ces lieux que nous visitons lorsque nous prenons part à des célébrations en différents diocèses dont la population est assez âgée, les prêtres peu nombreux : tout cela évidemment est préoccupant.
Mais alors que faire ou plus exactement qu’être en réalité ? Suivons avec l’assurance qu’Il nous donne le Bon Pasteur
1. L’assurance que nous donne le Bon Pasteur
La présence pacifiante et réconfortante du Bon Pasteur nous donne de marcher avec assurance en toutes circonstances.
Nous en avons une illustration dans un psaume célèbre qui a pour titre « le bon berger ». Le Psaume 22 que nous connaissons bien et que nous entendons souvent à des obsèques. C’est un peu dommage d’ailleurs parce que ce psaume ne fait pas simplement référence à l’au-delà de notre vie, mais aussi à son actualité, à ce que comme chrétiens nous vivons aujourd’hui.
Je vous lis son commencement, dans une traduction personnelle :
Le Seigneur est mon berger.
Il me comble de biens.
Il me rassasie sur les vertes collines,
Il me mène vers les sources d’abondance,
et me conduit sur les chemins de justice.
Le sentiment qui prédomine en nous lorsque nous lisons ces paroles, c’est celui d’une pleine assurance.
Ecoutons-le : le bon berger nous comble de biens ; il nous conduit vers les sources d’abondance, les sources du repos. Il nous mène sur les chemins de la justice. C’est parce que nous sommes pleins d’assurance, nous chrétiens, que nous pouvons aller, pleins d’allant, sans crainte, en toutes circonstances.
C’est la certitude de la présence du bon berger à nos côtés qui est pour nous la cause de cette assurance. Nous sommes un peu comme des enfants qui marchent avec leurs parents. Je ne sais si vous avez remarqué, mais souvent, ils marchent devant eux. Et lorsqu’ils sont derrière, cela veut dire que quelque chose ne va pas. Quand ça va, ils marchent devant, ils sont pleins d’allant. Et pourquoi ont-ils autant d’assurance ? C’est parce qu’ils sont certains de la présence de leurs parents à leurs côtés, auprès d’eux : ils savent que si quelque chose tournait mal, leurs parents interviendraient. Ils sont certains de cela, comme nous-mêmes, nous sommes certains de la présence de Jésus à nos côtés qui vient à notre aide, qui nous soutient dans toutes les actions que nous entreprenons, dans toutes nos réussites, mais aussi dans nos déroutes. Cette présence dont nous sommes certains nous devons en être – et c’est le deuxième point de cette homélie – des témoins.
2. Assurés de la présence du Seigneur auprès de vous, devenez ses témoins.
Vous êtes des témoins de cette présence du Seigneur auprès des hommes, auprès de nous. Et lorsque vous témoignez, lorsqu’il vous arrive de devoir parler de votre foi – et c’est important que vous puissiez le faire sans crainte et avec assurance – il ne faut pas que vous alliez sur les chemins inconnus, sur celui du dogme qu’il faut laisser aux théologiens -et il n’est pas certain d’ailleurs qu’ils réussiront aussi bien que vous à témoigner. Il ne faut pas s’embarquer sur des questions de morale, il faut laisser cela aux moralistes, ou sur des questions d’histoire de l’Eglise, laissons cela aux historiens. Non, ce dont vous devez témoigner, auprès de ceux qui vous interrogent ou auprès de ceux à qui vous dites que vous êtes attachés au Christ par la foi, c’est la réalité de sa présence auprès de nous.
Vous êtes le sacrement de la présence de Dieu parmi les hommes.
Je vais vous faire le récit d’un expérience qui m’est arrivée au cours du confinement et qui a été pour moi une grande source de joie. Il se trouve que j’accompagne depuis une quinzaine d’années, une personne, médecin qui était atteinte d’une grave maladie, un cancer, avec de multiples rémissions. Je l’ai accompagnée comme curé pendant longtemps, puis comme ami et prêtre et je savais tout le ressentiment qu’elle avait contre Dieu. Il est vrai qu’elle avait eu une vie compliquée, avec beaucoup de maladies, ses rémissions, mais aussi l’incompréhension presque totale de ce qui lui arrivait. Et j’ai cahin-caha tâché de l’accompagner dans ses malheurs. Et puis ce qui devait arriver est arrivé, elle a été hospitalisée dans une unité de soins palliatifs et ses parents, ses amis me disaient combien il était compliqué d’accéder à elle. J’ai fait un peu de forcing à l’hôpital, auprès de ses proches. J’ai tenté, j’y suis allé et j’ai réussi à l’atteindre. Quand je suis entré, elle était recroquevillée dans son lit, les yeux fermés. J’avais pris avec moi les huiles saintes pour lui donner le sacrement des malades mais j’ai vu qu’elle n’était pas disposée à cela. J’ai pris sa main, je lui ai parlé longuement et puis doucement elle s’est éveillée ; elle a souri, elle a ouvert les yeux, de beaux yeux. Nous avons échangé quelques mots. En sortant, je lui ai dit « à bientôt » et avec un grand sourire, elle m’a dit, dans un souffle : « à bientôt ». Nous n’étions, ni l’un ni l’autre, dupes de ce que signifiait cette salutation pour les jours à venir. Mais pour des jours plus lointains, je crois que nous étions l’un et l’autre, sûrs et certains de ce que signifiait cette salutation. |
Je ne me prends pas pour le bon Dieu, mais je crois que ce jour-là, j’étais auprès de cette femme le sacrement de sa présence, de la présence du Christ au milieu des hommes.
Frères et sœurs je prie que chacun, chacune d’entre vous puisse être à son tour le sacrement de la présence de Dieu parmi les hommes.
Amen
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